La récente opération militaire d’Israël sur la bande de Gaza avait un triste air de déjà-vu : une majorité de civils tués, en majorité des infrastructures civiles détruites, des images de dévastation passées en boucle sur les chaines de télévision.
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L’ONU a comptabilisé 2.131 morts, dont 501 enfants, plus de 3.400 blessés, 55.650 maisons, 220 écoles et 62 hôpitaux endommagés ou détruits. Il a fallu 50 jours pour (achever de) détruire Gaza. Il faudra 20 ans pour la reconstruire. Les effets sur la population dépassent bien entendu les destructions matérielles : des familles entières ont été décimées, 142 familles ont perdu au moins trois de leurs membres, un mort sur quatre est un enfant. Les dégâts physiques et psychiques sont difficilement quantifiables.
Est-ce que le conflit israélo-palestinien est complexe ? Oui. Inextricable ? Non. Cette attaque aurait pu être évitée. La Belgique en porte sa part de responsabilité : celle de ne jamais avoir donné suite au rapport de la Mission d’établissement des faits des Nations Unies qui avait suivi l’opération Plomb Durci (2008-2009), laissant impunis les responsables des crimes identifiés ; de systématiquement se cacher derrière un consensus européen impossible à atteindre tant les sensibilités sur la question israélo-palestinienne sont vives ; de ne pas avoir dénoncé les pressions exercées sur l’Autorité palestinienne afin que celle-ci ne ratifie pas le statut de Rome (ce qui ouvrirait la voie à des poursuites judiciaires contre les dirigeants israéliens responsables de crimes de guerre) ; de ne pas avoir adopté ou soutenu des mesures contre le gouvernement israélien afin de forcer ce dernier à lever le blocus de Gaza, ce qui aurait mis fin à l’économie des tunnels, prétexte à la guerre ; de ne pas avoir demandé de dédommagements lorsque des infrastructures financées par l’Union européenne étaient détruites. Plus généralement, la Belgique est fautive de ne pas prendre toutes les mesures possibles pour faire pression sur Israël afin que cesse l’occupation du Territoire palestinien et l’ensemble des exactions qui gangrènent tous les aspects de la vie des Palestiniens.
C’est parce que la Belgique a failli à ses obligations et engagements en matière de droits de l’homme que la société civile se mobilise, une fois de plus. Des milliers de Belges ont manifesté durant les hostilités pour signifier au gouvernement qu’il est en décalage avec le sentiment populaire, que la paix ne viendra pas sans justice, que l’absence de perspectives nourrit la violence. L’inaction, le silence et les condamnations » équilibrées » dans un contexte de déséquilibre évident sont indécents.
A Bruxelles, ce 24 septembre, à l’Albert Hall, des juristes et des représentants du monde associatif, académique, médical et culturel se sont réunis dans le cadre du Tribunal Russell sur la Palestine, un tribunal d’initiative populaire qui trouve son origine dans les tribunaux d’opinion établis dans les années 60 en réaction à la guerre du Vietnam. S’il est évident qu’aucune des parties prenant part aux hostilités, y compris le Hamas et d’autres groupes palestiniens, ne peut déroger aux Conventions de Genève et s’attaquer à des civils non-armés, la disproportion des pertes humaines reflète l’asymétrie indéniable entre l’occupant et l’occupé. Le Tribunal Russell s’est donc penché sur les crimes commis par l’armée israélienne et a conclu, après avoir entendu de nombreux témoignages, que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été commis à Gaza par l’armée israélienne. De plus, dans certains cas, l’incitation à la haine à différents échelons de la société israélienne a atteint le seuil nécessaire pour pouvoir être qualifié d’incitation au crime de génocide. Entre l’intensification de la rhétorique raciste et l’incitation à la violence durant l’été 2014, une situation d’impunité persistante et un régime de punition collective et prolongée (via le blocus et des attaques indiscriminées contre les civils), il n’est pas inconcevable qu’Israël bascule vers le crime de génocide. Une sonnette d’alarme est donc tirée. Le gouvernement doit intervenir car il est de sa responsabilité de faire appliquer le droit international. Cela permettra peut-être d’éviter un énième décompte macabre.
Signataires :
Tribunal Russell sur la Palestine, Solidarité Socialiste, Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC), CNAPD (Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie), Association Belgo-Palestinienne (ABP), FGTB/ABVV, La Centrale Générale-FGTB.
L’auteur de ce texte, Katarzyna Lemanska, est membre de la Coordination Européenne des Comités pour la Palestine (ECCP)