Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 et la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991, l’OTAN a perdu une grande part de sa légitimité. Aujourd’hui, c’est sa valeur ajoutée qui est remise en question. Pax Christi publie un nouvel ouvrage afin d’évaluer les options qui s’offrent à l’Europe en termes de défense.
A la sortie de la Seconde guerre mondiale, Washington pousse ses alliés à sceller un pacte défensif face à l’Union soviétique. L’OTAN est née ! Quelque temps plus tard, l’Union soviétique et ses alliés signent de leur côté le Pacte de Varsovie. Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 et la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991, l’OTAN a perdu une grande part de sa légitimité. L’opposition contre l’OTAN telle qu’elle se manifeste depuis, nous a toujours paru légitime mais vaine, voire inconsistante. Elle n’envisage en effet aucunement les conséquences en termes de sécurité et de défense de l’Europe centrale et occidentale en cas de dissolution de l’organisation.
La CNAPD dont Pax Christi Wallonie-Bruxelles est membre, s’est penchée sur la question de l’avenir de l’OTAN et a défini cinq revendications. L’une d’entre elles consiste à réclamer dès aujourd’hui « le lancement d’un débat de fond sur l’établissement progressif et négocié d’un statut de neutralité pour l’Union européenne »¹.
Pax Christi voudrait préciser sa position sur ce sujet afin d’alimenter ce débat et d’assumer au mieux son rôle d’éducation permanente et d’agent de paix.
La chute du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide ont eu une autre conséquence, inattendue celle-là. La guerre, perçue comme lointaine et se confondant avec les images fictionnelles diffusées en continu par les canaux de communication des mass media, est devenue un concept presque abstrait pour les populations européennes. Le mouvement pacifiste européen a dès lors été considérablement déforcé. La question de la paix ne serait plus à l’ordre du jour.
Aujourd’hui pourtant, la redéfinition du « concept stratégique de l’OTAN » ainsi que la mise en place d’une politique étrangère et de défense coordonnée au niveau européen redonne à ce mouvement toute son importance. Il importe donc de lui offrir une nouvelle vie et de le stimuler. En effet, il apparaît aujourd’hui clairement que l’OTAN n’est pas la seule perspective des Européens et que d’autres solutions pourraient s’offrir à eux.
Lancer ce document de travail vise donc à susciter un débat de fond :
- sur la fermeture rapide des bases militaires étrangères situées en Europe ;
- sur l’extension du nombre des pays neutres au sein de l’UE² ;
- sur la dénucléarisation du territoire de l’UE ;
- sur l’adoption progressive de la neutralité par l’entièreté de l’UE en tant que telle ;
- sur une dissolution graduelle de l’OTAN dans cette perspective ;
- sur la mise en place d’une politique étrangère et de sécurité de l’UE adaptée à ces conditions ;
- sur le concept de défense civile et sur les modalités d’établissement de celle-ci.
A notre sens, il s’agira ainsi de réfléchir ensemble sur les étapes nécessaires à franchir pour atteindre de tels objectifs. Ainsi, il faudra évoquer la nécessité d’une autonomie croissante de la défense européenne au sein de l’OTAN qui devrait être suivie de son démantèlement tacite en termes militaires. A la place d’un pacifisme naïf face à l’OTAN, nous préférons prôner l’adoption progressive et négociée d’un statut de neutralité, armée ou non, par l’ensemble de l’UE parallèlement au développement d’une défense civile et de l’action non-violente active.
Dans cette perspective, la PESD devra précéder la PESC³ afin de réaliser celle-ci et tenir compte des exigences des pays membres neutres. Remarquez dès lors que toute adhésion à l’UE ne doit pas automatiquement suivre une adhésion à l’OTAN, comme cela a été le cas ces dernières années⁴. Du reste, l’OTAN devra être très vraisemblablement maintenue comme « lien organique politique et diplomatique » afin de sauvegarder la sérénité dans les relations entre les deux côtés de l’Atlantique. Et ceci d’autant plus que l’opinion publique européenne est divisée entre les proatlantiques et les anti-OTAN.
Les premiers évoqueraient l’idée que les Etats-Unis auraient sauvé deux fois l’Europe lors des deux guerres mondiales du 20e siècle. Certes, cette opinion est en partie fondée mais, en raison d’une attitude quelque peu russophobe, néglige le rôle déterminant de la Russie, puis de l’Union soviétique lors de ces conflits. Les seconds rappelleront l’influence « impériale » des Etats-Unis, toujours solide mais pas toujours souhaitée.
Trois éléments doivent être relevés. Tout d’abord, il s’agit de se rappeler les deux invasions allemandes de 1914 et 1940, qui expliquent la mauvaise presse de la neutralité en Belgique. Pourtant, 6 à 7 pays européens peuvent déjà être considérés comme neutres. Il convient aussi de rassurer : l’adoption progressive de la neutralité par l’UE n’implique pas l’abandon de toute politique de sécurité ou militaire. Enfin, la Belgique a toujours pratiqué une diplomatie active inspirée de la « doctrine Harmel »⁵ en vue de la résolution des conflits. Il s’agit de poursuivre cette tradition , voire de l’étendre à l’Union européenne.
Par ailleurs, le rappel d’un certain nombre de concepts fondamentaux nous a semblé nécessaire pour permettre au lecteur de situer notre propos. Ainsi, nous avons voulu préciser les notions de non-violence et de non-alignement, voire de neutralité ainsi que les liens, peut-être peu évidents, qui peuvent être établis entre eux. Pourtant, pour Pax Christi, il paraît évident que la non-violence et la neutralité s’avèrent tout simplement plus paisibles qu’un conflit armé. Nous convenons cependant qu’une défense militaire peut se justifier pour des raisons objectives sans pour autant renier nos convictions pacifiques. Il en est de même en ce qui concerne la défense civile.
Par ailleurs, une position de non-alignement ne signifie guère une absence de solidarité effective avec le reste du monde et notamment avec le Sud ou l’Est exploités et appauvris.
De ces considérations découle la structure de notre propos :
Description du contexte actuel avec ses trois facettes :géographique, militaire et politique ;
Examen attentif des concepts de non-violence, en ce compris de défense civile non violente et active, ainsi que des diverses conceptions de la neutralité ou du non alignement;
Propositions et conclusions sous forme de questions :
Quel avenir pour l’OTAN ? Quelles alternatives pour régler les relations transatlantiques ?
Quel avenir proposé pour la politique de sécurité et de défense européenne ? Comment se situer face aux autres puissances ?
Quelles forces armées pour les pays membres de l’UE ? Quelle est la crédibilité d’une défense civile non – violente ?
A quelques exceptions près, ces réflexions sont essentiellement axées sur l’espace européen.⁶
¹ CNAPD-ULDP, L’OTAN : du bouclier à l’épée, Plaidoyer sur l’avenir de l’OTAN (https://www.cnapd.be/uploads/pdf/200901/brochure%20plaidoyer%20OTAN.pdf)
² Il est bon de rappeler qu’il existe déjà 6 ou 7 pays neutres sur les 27 pays membres dans l’UE : l’Irlande, la Suède, la Finlande, l’Autriche, Malte, Chypre et, en temps de paix, le Danemark. Il en est de même dans le voisinage de l’UE : la Suisse, l’Ukraine, le Bélarus, la République moldave, le Vatican, etc. qui ont des statuts ou quasi statuts de pays neutres.
³ PESD= Politique Européenne de Sécurité et de Défense; PESC = Politique étrangère et de sécurité commune ; dans le traité de Lisbonne, les deux politiques sont devenues réunies dans la politique de sécurité et de défense commune, soit PSDC.
⁴ Même une adhésion aux Programmes variés pour la Paix de l’OTAN ne devrait pas devenir un préalable à l’adhésion à l’UE.
⁵ Cette doctrine plaidait pour une défense forte, alliée à des relations stables avec les pays de l’Est en 1968.
⁶ Il en résulte que, sauf les cas de l’Afghanistan et du Costa-Rica, elles ne couvriront pas les cas certes intéressants des deux Corées, la Thaïlande ou la Nouvelle Zélande qui, s’agissant de la pratique de la neutralité dans le monde, mériteraient l’attention.