Nous n’avons pas les moyens. Nous devons faire des économies. Nous devons rationaliser nos dépenses… Voilà l’éternelle ritournelle à laquelle notre gouvernement nous soumet depuis maintenant plusieurs années : une politique d’austérité implacable à laquelle aucun secteur n’échappe. Les soins de santé, la justice, la coopération internationale, la lutte contre le réchauffement climatique et la pauvreté,… Personne n’y échappe.
Personne ? Vraiment ? Pas tout à fait…
Lors de cette législature, notre Ministre de la Défense, Steven Vandeput, s’est engagé à réaliser de nouveaux investissements en matériel militaire pour la coquette somme de 9,2 milliards à l’horizon 2030. Le remplacement de nos F16 a d’ailleurs été qualifié de « contrat du siècle » et devrait, selon notre Ministre, s’élever à près de 3,6 milliards d’euros pour l’achat de 34 nouveaux avions. Sauf que cela risque, dans les fait, d’être bien plus. Sans compter les frais d’entretien de ces appareils, le shutdown de l’administration américaine nous révélait la semaine dernière que les Etats-Unis comptaient empocher plus de 5,4 milliards pour la vente de ses F35 à la Belgique. Même si d’autres constructeurs sont encore en lice, les probabilités que le F35, seul à pouvoir transporter les têtes nucléaires américaines basées à Kleine Brogel, soit finalement choisi comme successeur au F16 restent particulièrement élevées, représentant un surcoût potentiel de près de 2 milliards pour le contribuable belge.
En tant que mouvement pour la Paix et la Démocratie, la CNAPD, à travers la Plateforme « Pas d’avions de chasse » s’est depuis longtemps engagée contre le remplacement de ces appareils. Mais pourquoi ?
Premièrement, parce que nous considérons que dans un continent déjà surarmé et suréquipé comme le nôtre, la véritable sécurité d’existence ne passe pas par l’investissement militaire. En tout cas, ce n’est certainement pas en négligeant, au profit de la politique militaire, ce qui selon nous sont les réels facteurs de paix et de stabilité, notre sécurité sociale, notre enseignement, notre justice, notre lutte pour l’environnement, que nous procurerons plus de sécurité et de bien-être à nos concitoyens.
Deuxièmement, parce que ces contrats mirobolants sont négociés dans l’opacité la plus totale. Pourquoi avons-nous besoin de 34 avions alors que 8 pourraient suffire à couvrir et sécuriser l’espace aérien du Benelux ? Ces avions devront-ils maintenir une capacité nucléaire et si oui pourquoi ? Y aura-t-il des retombées économiques pour la Belgique ? Ces potentielles retombées doivent telles justifier un tel investissement ? Quelle est la stratégie de la Belgique ? Renforcer son action dans le cadre de l’OTAN ou dans un nouveau cadre européen ? Ce sont autant de questions qui influenceront le choix final mais autour desquelles règne un silence quasi absolu.
Finalement, parce que sous couvert d’assurer notre « sécurité », ces investissements ont finalement aussi comme objectif de nourrir cette énorme machine qu’est l’industrie militaire bien tristement devenue une composante importante de l’économie de différentes puissances mondiales. Pour certains il s’agit donc d’un marché comme un autre qu’il convient dès lors de faire croître et prospérer. En tant que mouvement pour la Paix, nous ne pouvons nous résoudre à accepter que la croissance de nos pays dépendent toujours plus de cette composante. Car ce n’est pas un marché comme un autre. C’est une industrie qui, certes, génère de l’emploi et de la croissance mais qui sème aussi le chaos, la mort et la destruction, tue des milliers de civiles et embrase les tensions plutôt que de les apaiser.
C’est pourquoi la CNAPD s’est encore une fois largement investie dans la nouvelle campagne menée par la Plateforme « Pas d’avions de chasse ». Pour réclamer plus de transparence et dénoncer cette logique absurde : plus d’austérité partout sauf pour les investissements militaires…
Naïma Regueras, présidente de la CNAPDPhoto : © Vrede vzw