Ce vendredi 15 avril, la plateforme « Pas d’avions de chasse – Geen gevechtsvliegtuigen » a organisé une conférence à la Chambre autour d’une question d’apparence simple : « Les Belges veulent-ils de nouveaux avions de chasse ? »
Avant même l’organisation de la conférence, plusieurs sources nous assuraient pourtant que les Belges ne voulaient pas de ces nouvelles machine de guerre et d’instabilité : le fait que la plateforme soit constituée de plus de 130 associations de la société civile belge ou encore un sondage réalisé lors de la campagne électorale soulignant que seuls 25% des sondés étaient en faveur de ce « contrat du siècle » (une minorité qui se dégage y compris parmi les militants des partis de la majorité…).
C’est donc avec des arguments fallacieux et démagogiques que notre Gouvernement orchestre sa fuite en avant en annonçant son accord sur l’achat de 34 nouveaux chasseurs-bombardiers (un peu moins de 5 milliards pour l’achat des appareils, 15 milliards si l’on y ajoute les frais d’entretien et de fonctionnement) : les avions de chasse permettent de contribuer à la paix et à la démocratie, les compensations économiques de cet achat seront à la hauteur de l’investissement ou encore, pour les moins dupes, l’investissement dans des avions de combat contribuera au développement d’une Europe de la défense.
Christophe Wasinski (ULB) et Elena Aoun (UCL) ont brillamment démontré, si besoin en était, que des avions chasseurs-bombardiers ne répondent ni aux menaces sur la sécurité de la Belgique, ni aux objectifs de paix et de stabilité dans le monde. Bien au contraire. La politique de défense de la Belgique ne s’inscrit pas tant dans une volonté de sécurisation de notre territoire que dans un rouage transnational répondant à des exigences géostratégiques partagées par les alliés. Un rouage manifestement déstabilisateur. Un rouage qui souligne une « routine interventionniste » : la Belgique et ses alliés sont impliqués militairement dans le monde de manière permanente depuis plusieurs décennies (et de manière de plus en plus cyclique : on intervient – la situation empire – on réintervient). Et pour quels résultats ? L’expérience libyenne nous apprend que l’intervention occidentale a été un multiplicateur des tensions et des affrontements. C’est aussi manifestement le cas en Afghanistan, en Irak ou en Syrie. Avec désormais des retours de flamme jusque dans nos aéroports ou nos rames de métro.
Tom Sauer (Université d’Anvers) est revenu sur le développement de l’appareil militaire de l’Europe comme réponse aux tensions que nous connaîtrions avec la Russie, dont le niveau de dépenses militaires est le même que la seule Grande-Bretagne. Le Professeur a souligné cette fuite en avant des relations que nous construisons avec notre voisin russe, basées quasi exclusivement sur le développement de l’appareil militaire. Tom Sauer a démontré à quel point nous gagnerions à accorder davantage de place à la coopération plutôt qu’à la confrontation indirecte avec cet acteur incontournable de la scène internationale et… notre voisin direct. A ce sujet, Siemon Wezeman (SIPRI) a souligné que les États membres de l’Union européenne disposaient de plus de 2000 avions chasseurs-bombardiers de dernière génération. Plus donc que ce que la Russie ne peut se permettre. Il ne sert donc à rien pour la Belgique, d’un point de vue d’une défense européenne, de s’en doter de 34 supplémentaires.
A propos des compensations économiques promises par le gouvernement pour justifier une telle dépense faramineuse en ces temps de disette budgétaire, Christ Klep (Université d’Utrecht) est revenu sur l’exemple hollandais qui vient d’acheter 37 avions F-35 (il voulait initialement en acheter près de 100). Celui-ci est révélateur en de nombreux points de vue tant les Pays-Bas espéraient beaucoup de ces éventuelles compensations. Ce pays était en droit d’en attendre puisqu’il fait partie du consortium industriel pour le développement du F-35 (au contraire de la Belgique). Le Professeur nous apprend que le débat sur les compensations économiques de l’achat des 37 F-35 n’est plus du tout central aux Pays-Bas tant ils savent désormais qu’elles seront quoi qu’il arrive insignifiantes.
Par contre, contrairement à la Belgique où les partis de la majorité freinent des quatre fers pour demander à la Cour des comptes se que coûterait réellement l’achat de nouveaux avions de chasse et ce que nous serions en droit d’attendre en terme de retours sur investissement, Christ Klep nous apprend que la Cour des comptes hollandaise avait estimé qu’en fonction de l’argent disponible, le pays ne pouvait se permettre l’achat que de… 4 appareils ! Les fonds manqueraient en effet pour assurer la formation de plus de 4 pilotes.
Quand Kris Peeters annonce que la Belgique vit au-dessus de ses moyens, il serait bien avisé de se remémorer l’accord qu’il a passé avec ses partenaires de gouvernement pour une dépense inutile de 15 milliards d’euro…
On le savait, on en a désormais la confirmation : aucun argument officiel ne permet de justifier l’achat annoncé par le gouvernement de 34 avions de chasse. C’est donc avec d’autant plus de conviction que nous irons le rappeler au gouvernement ce dimanche 24 avril lors de notre grande manifestation nationale !