Communiqué de presse : Sommet de l’OTAN à Vilnius : un pas de plus dans l’escalade nucléaire
Les 11 et 12 juillet, les dirigeants des Etats membres de l’OTAN se sont réunis à Vilnius dans le but de consolider la capacité de dissuasion et de défense commune de l’Alliance et de poursuivre leur soutien à l’Ukraine.
Ils ont pris une série de décisions qui rendent un affrontement nucléaire encore plus probable qu’il ne l’était déjà d’une part. D’autre part, l’organisation transatlantique a rappelé l’importance du partage nucléaire dans sa stratégie de dissuasion, ôtant ainsi tout crédit à sa propre condamnation de la Russie quant à l’installation d’armes nucléaires en Biélorussie.Dans le paragraphe 43 du communiqué de presse publié le soir du 11 juillet, l’OTAN déclare qu’elle sera une alliance nucléaire tant que les armes nucléaires existeront et ajoute, dans le même paragraphe, qu’elle « a les capacités et la volonté d’imposer à un adversaire des coûts qui seraient inacceptables et dépasseraient de loin les avantages que tout adversaire pourrait espérer obtenir ». Ainsi la menace d’utiliser des armes nucléaires est transparente.Bien que l’OTAN use elle-même de cette menace nucléaire, elle condamne la Russie d’en faire autant au point 16 de ce même communiqué. Au point 16 également, l’OTAN condamne aussi l’intention de la Russie de déployer des armes nucléaires sur le territoire bélarussien. Pourtant le « partage nucléaire » est une pratique à la fois historique de l’Alliance transatlantique elle-même (depuis au moins 60 ans avec la Belgique) et une pratique continue et actuelle. Dans le paragraphe 44 de son communiqué, l’OTAN est très claire à ce sujet : « la posture de dissuasion nucléaire de l’Organisation repose également sur les armes nucléaires des États-Unis déployées à l’avant en Europe. ». Au vu de la pratique répétée et essentielle du partage nucléaire au sein de l’OTAN, la condamnation de la Russie quant au déploiement d’armes nucléaires russes en Biélorussie perd tout crédit.Pour que la condamnation de l’installation de bombes nucléaires en Biélorussie ait du poids, la cohérence de la position transatlantique est indispensable. Or dans le cas belge, la majorité de la population s’est exprimée à de nombreuses reprises (notamment au travers de sondages) contre la présence d’armes nucléaires états-uniennes sur son sol, et ce depuis des années. Il convient de rappeler que :
- une vingtaine d’ogives nucléaires états-uniennes sont stationnées en Belgique depuis 1963, à Kleine-Brogel ;
- les Etats-Unis modernisent actuellement leur arsenal nucléaire et équipent leurs alliés, dont la Belgique, de nouvelles bombes, les B61-12, plus petites et donc plus facilement déployables que leurs versions précédentes ;
- la Belgique a choisi de commander spécifiquement 34 avions de chasse états-uniens F35, parce que ce sont les seuls appareils à pouvoir être équipés du système de guidage des nouvelles bombes états-uniennes B61-12.
A noter également que le 11 juillet dernier, au paragraphe 39 de son communiqué de presse, l’OTAN a affirmé sa volonté de renforcer « les entraînements et les exercices simulant la dimension conventionnelle et, pour les Alliés concernés, la dimension nucléaire d’une crise ou d’un conflit ». Or la Belgique est directement concernée par cette déclaration. Si l’usage d’une bombe nucléaire devait être fait depuis le sol belge, c’est un soldat belge qui en serait aux commandes.
La coalition belge contre les armes nucléaires condamne donc fermement toute menace nucléaire et tout partage nucléaire quel que ce soit le belligérant y ayant recours. En accord avec la volonté de la population belge, elle demande au gouvernement belge la fin du partage nucléaire avec les Etats-Unis à la fois pour la sécurité de la Belgique et des Belges, pour la crédibilité de l’OTAN en vue du renforcement de la sécurité internationale mais aussi parce que la fin du stationnement d’armes nucléaires hors du territoire du pays qui les possède est un premier pas essentiel vers un désarmement nucléaire mondial.En outre, malgré l’entrée en vigueur en 2021 du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), l’OTAN n’a fait aucune mention d’une possible voie vers le désarmement nucléaire. Alors que le risque d’un affrontement nucléaire est plus élevé que jamais
, la coalition belge contre les armes nucléaires appelle le gouvernement belge à prendre position pour une désescalade nucléaire de toute urgence, notamment en ratifiant le TIAN.Au sommet de Vilnius, l’OTAN a certes déclaré que le TIAN « est en opposition, en contradiction et incompatible avec la politique de dissuasion nucléaire de l’Alliance, qu’il va à l’encontre de l’architecture existante de non-prolifération et de désarmement, qu’il risque de fragiliser le TNP et qu’il ne tient pas compte de l’environnement de sécurité actuel ». Mais comme le rappelle ICAN, le mouvement auquel a été décerné le Prix Nobel de la Paix en 2017 pour sa campagne contre les armes nucléaires, il n’y a pas de véritable incohérence entre le Traité de l’Atlantique Nord et le TIAN, ni entre le Traité de Non-Prolifération des armes nucléaires et le TIAN. Comme souligné y compris dans le communiqué de presse de l’OTAN (au point 4), chaque Etat a le droit de choisir les arrangements de sécurité qu’il souhaite pour lui-même.