/ Carte blanche /
Nous sommes désormais deux ans après l’invasion russe de l’Ukraine. Il y a deux ans, la Russie a violé l’esprit et la lettre de la Charte des Nations Unies.
Depuis lors, le compteur affiche 490.000 victimes : soldats et civils, Ukrainiens et Russes. Un compteur qui continue de tourner, imperturbablement. Les images qui choquaient toute la population au début de la guerre passent désormais davantage dans le registre de l’ordinaire, d’une certaine forme de normalité.
Nous sommes désormais deux ans depuis l’invasion russe de l’Ukraine et cette guerre semble ne pas avoir de fin en vue. L’on se projette même en 2025, moment où des avions de combat F16 seront livrés à l’Ukraine.
Entretemps, les grands stratèges ne s’expriment plus sur telle ou telle percée, et encore moins sur une « victoire » – quelle que soit la signification qu’on donne à ce mot. Ils continuent malgré tout de répéter leur mantra : plus d’armes, de meilleures armes, livrées plus rapidement.
Parler de paix
Ah, mais tant que c’est la guerre, on ne peut pas parler de paix, dites-vous ?
Le réseau « Europe pour la paix et la solidarité« , qui rassemble au niveau européen des mouvements engagés pour la paix, pense avec force le contraire.
La paix est possible et nécessaire. Une paix qui est évidemment bien plus que le silence des armes, mais qui vise la cohabitation harmonieuse des différentes communautés de ce pays complexe qu’est l’Ukraine.
En Belgique, le réseau « Europe pour la paix et la solidarité » regroupe 65 organisations de la société civile belge et s’adresse depuis deux ans au milieu politique, avec des recommandations fortes en matière de construction de la paix. La construction de la paix, également par intérêt bien compris, parce que nous prenons très au sérieux la nécessité de garantir la sécurité sur notre continent.
Le cessez-le-feu et la diplomatie
Deux éléments sont au cœur de nos revendications : le cessez-le-feu et la diplomatie. Deux revendications qui nous apparaissent d’autant plus fortes aujourd’hui, où une ligne de front de facto s’installe, quasi immobile.
Nous pensons en effet de notre devoir de continuer à nous mobiliser pour un cessez-le-feu qui permet, d’abord et avant tout, une pause dans les souffrances humaines – de part et d’autre de la ligne de front – et qui permet ce répit salutaire dont la diplomatie a besoin.
La diplomatie est un art. Elle vise à parler et négocier avec des personnes vis-à-vis desquelles nous sommes en total désaccord. C’est un art orienté vers les solutions, mais dans lequel nous reconnaissons les intérêts – et certainement l’intérêt premier de la sécurité – de toutes les parties prenantes.
L’Europe a la possibilité de mettre cet art diplomatique en pratique. Elle dispose de marges de manœuvre avec lesquelles elle peut soutenir les deux parties : assouplissement des sanctions contre la Russie, conditions pour une aide supplémentaire à l’Ukraine.
C’est un jeu subtil, courageux, qui ne peut se jouer sans concessions, mais qui s’avérera beaucoup plus efficace sur le court terme et pérenne sur le long terme.
Nous appelons donc une nouvelle fois avec force à entamer la voie diplomatique avec un enjeu clair : la sécurité de l’Europe. De toute l’Europe, du détroit de Gibraltar à l’Oural. Si nous ne développons pas un modèle de sécurité pour l’ensemble du continent – disons-le clairement : avec la Russie, donc – nos pays ne pourront être durablement en sécurité.
La solidarité
« Il faut se préparer à la guerre » ; « Devenez réserviste à l’armée« . « Procurez-vous des radios sur batterie et de groupes électrogènes« . Les messages nous rappelant que l’Europe n’est pas sûre se multiplient dans nos pays depuis deux ans.
La guerre redevient petit à petit palpable, elle réintègre progressivement nos réalités vécues. Une réintégration qui a besoin de l’assentiment au moins tacite de la population.
La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons également jouer notre rôle sur l’autre voie, celle de la consolidation de la paix. Il faut pour cela (se) répéter et (se) convaincre du caractère contreproductif des logiques actuelles.
« L’Europe n’est pas sûre » ou « ensemble, nous assurons la sécurité de l’Europe« , sont en fait deux prophéties autoréalisatrices. Tout dépend donc de la prophétie que l’on décide de suivre et des (petits) pas que l’on fait dans sa direction.
À cet effet, la solidarité concrète jette elle aussi les bases d’une Europe sûre. Solidarité avec les familles qui fuient la guerre, solidarité avec les objecteurs de conscience des deux côtés du front qui ont droit à une protection, solidarité avec les militants de la paix sur place qui nagent à contre-courant et souvent au risque de leur vie. Solidarité avec celles et ceux qui refusent ici et ailleurs les augmentations des budgets militaires, la course aux armements… Et l’insécurité qu’elles impliquent nécessairement.
https://www.rtbf.be/article/opinions-deux-ans-de-guerre-en-ukraine-le-cessez-le-feu-et-la-diplomatie-pour-sortir-de-limpasse-11333677?fbclid=IwAR1e219nimDWRfJkbil4EbcmHGS9FbDOKYSOhpUyoSs7Q4XK4EOCBqKe4IE
Signataires :
Martin Maréchal et Grégory Mauzé, Co-présidents de la CNAPD
Stefan Nieuwinckel, Directeur de Pax Christi Vlaanderen
Ludo De Brabander, porte-parole de Vrede vzw
Image de Matti karstedt