Meurtri par 16 années de blocus aux conséquences humanitaires désastreuses, le territoire palestinien de la bande de Gaza fait actuellement face à l’offensive israélienne la plus meurtrière de son histoire. Ni la barbarie des attaques de l’armée, dont les frappes ont déjà fait près de 4000 morts dont un tiers d’enfants, ni les déclarations officielles des autorités israéliennes ne permettent d’en douter : il ne s’agit pas seulement de réprimer le Hamas, coupables de massacres injustifiables contre des civils lors de son offensive du 7 octobre, mais de punir collectivement les Gazaouis (ces « animaux humains », selon les termes du ministre israélien de la Défense Yoav Gallant). En Israël, certains prônent la reconquête de Gaza, qui devrait être « vidé » de ses habitants, dans une sorte de nouvelle « Nakba », l’expulsion de 750 000 Palestiniens lors de la création d’Israël en 1948. Un appel qui a trouvé une traduction concrète avec l’ordre d’évacuation de 1,1 millions de personnes établies dans la moitié nord de l’enclave côtière. L’ONU et de nombreuses organisations internationales appellent à prévenir le risque de nettoyage ethnique, et évoquent même un risque de génocide. En Cisjordanie, les colons et l’armée profitent de la situation pour redoubler de violence, tuant plus de 60 Palestiniens en moins de deux semaines.
Face à ce tableau apocalyptique, certains estiment pourtant que la priorité n’est pas d’empêcher la perpétration à échelle industrielle de crimes de guerre, mais de cibler ceux qui cherchent à sortir la communauté internationale de sa torpeur. En cause : l’éternelle crainte d’une « importation du conflit israélo-palestinien », qui sert en réalité de prétexte pour réprimer toute forme de solidarité avec les Palestiniens. Ainsi a-t-on assisté chez nos voisins français et allemand à une restriction sans précédent des libertés et à une répression acharnée de tout ce qui ressemblerait de près ou de loin à une marque de soutien au peuple palestinien.
Même si la liberté de manifester des militants pour les droits des Palestiniens a jusqu’à présent été globalement respectée, cette tendance s’immisce également chez nous, comme en témoigne récemment l’interdiction dans certaines écoles du keffieh palestinien.
Il convient bien entendu de combattre les répercussions délétères dans nos sociétés de la triste actualité proche-orientale. Différentes études établissent que les actes antisémites se multiplient lors de chaque hausse de tension entre Israël et la Palestine. Celles-ci se répercutent également sur les Palestiniens, comme en atteste l’atroce assassinat le 14 octobre aux États-Unis du petit Waeda Al-Fayoum, 6 ans, poignardé à mort lors d’une attaque haineuse contre sa famille par un septuagénaire galvanisé par le climat de haine ambiant.
Pour autant, empêcher virtuellement la question palestinienne d’exister dans nos sociétés est la pire des façons de désamorcer ces crispations. Qu’on le veuille ou non, ce sujet fait et fera partie des débats qui traversent notre société. La meilleure façon d’éviter son instrumentalisation politique ou communautaire est d’en permettre une lecture humaniste et universaliste, en le replaçant dans le mouvement de solidarité internationale pour une justice globale.
Combattre les mécanismes d’oppression des Palestiniens que sont l’occupation, la colonisation et l’apartheid israéliens ne constitue pas le choix d’un camp contre l’autre : il s’agit de la condition même pour entrevoir un destin commun fondé sur l’égalité et la justice entre les deux peuples établis entre la Méditerranée et le Jourdain.
Chercher à étouffer cette solidarité plutôt que favoriser une saine compréhension de ce qui se joue au Proche-Orient ne contribuera qu’à alimenter les violences, ici et là-bas.
Grégory Mauzé, Co-président de la CNAPD
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