Israël, Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Nigeria, Egypte, Indonésie… Il ne s’agit pas là d’un catalogue de destinations touristiques prisées des citoyen·nes belges, mais bien d’une liste non exhaustive d’Etats vers lesquels la Région wallonne a autorisé ces dernières années l’exportation d’armes. Visiblement, les armes wallonnes se vendent bien, et aux quatre coins du monde. A l’heure d’évolutions géopolitiques majeures, impliquant un réarmement généralisé du continent européen, la question des exportations d’armes wallonnes va rapidement prendre une importance grandissante. Il est donc capital de garantir à la fois la transparence et le contrôle démocratique sur la délivrance de licences d’exportations d’armes.

Du fait de ces exportations documentées vers des Etats qui violent grossièrement les droits humains de leur propre population, qui commettent des violations graves du droit international humanitaire ou encore qui utilisent cet armement (soit directement soit indirectement) pour alimenter des conflits en cours dans d’autres régions du monde, on pourrait à première vue penser que le cadre décrétal wallon est un peu trop permissif. Ce n’est étonnamment pas l’opinion du gouvernement wallon, qui considère dans sa déclaration de politique régionale (DPR) que « ce dispositif est parmi les plus contraignants du monde et il convient de ne plus pénaliser les industriels wallons dans leurs exportations ». Les faits sont cependant têtus : la réalité contredit manifestement cette déclaration.

La Wallonie n’est pas plus vertueuse que le reste du monde

Contrairement à ce qu’affirme cette DPR, le décret wallon n’est pas « le plus contraignant du monde », pour la simple raison qu’il reprend mot pour mot la position commune de l’Union européenne régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires. Les critères sur lesquels se base le décret ne sont donc en aucune manière plus contraignants que ceux applicables ailleurs, puisque les mêmes règles s’appliquent à tous les Etats de l’Union européenne.

Il est vrai que certains Etats de l’Union européenne ne respectent pas la position commune de l’Union et choisissent, comme la Wallonie, de vendre des armes à des gouvernements qui nient frontalement les droits humains. Toutefois, plutôt que de porter son regard vers les Etats vertueux qui jouent le jeu du multilatéralisme et du respect du droit, la Wallonie préfère tourner la tête vers ceux qui violent effrontément ces législations, y trouvant là une aubaine pour justifier un allègement des règles du jeu. Bref, la Wallonie cherche à niveler les règles par le bas et à favoriser l’unilatéralisme. A une époque où, particulièrement au vu de la multiplication des conflits faisant de nombreuses victimes civiles d’une part, à la montée en puissance des pouvoirs autoritaires aux quatre coins du globe d’autre part, le besoin de multilatéralisme et de règles communes n’a jamais été aussi criant.

Une réforme est cependant nécessaire

Mais là où nous rejoignons le gouvernement wallon, c’est sur la nécessité de réformer le décret wallon sur les exportations d’armes. Non pas parce qu’il serait trop contraignant mais, bien au contraire, parce qu’il ne l’est pas assez ! Si les critères d’exportation sont bien ceux définis par la position commune européenne, rien ou presque n’est prévu par ce décret en matière de transparence et de contrôle a priori et a posteriori de ces exportations.

 

En effet, les décisions d’octroyer une licence d’exportation à une entreprise d’armement sont prises par un seul homme, le Ministre-Président, sans devoir s’accorder avec quiconque, même pas avec ses partenaires de gouvernement, sans aucune transparence, puisque la confidentialité dans ce domaine est totale, et sans aucun contrôle démocratique de quelque nature que ce soit, puisque le parlement (ni même le gouvernement !) n’est jamais averti et ne peut exercer le moindre contrôle a priori. Tout se passe donc dans l’opacité la plus totale et en l’absence d’un réel contrôle.

Le gouvernement wallon se préoccupe encore moins d’informer le public de ses décisions concernant les exportations d’armes. Le dernier rapport publié par la Wallonie sur les licences d’exportation d’armes octroyées par le Ministre-Président couvre en effet l’année 2022. Aucune information postérieure au 31 décembre 2022 n’a donc été publiée à ce jour !

Une autre politique est souhaitable… et possible

Là encore, des exemples étrangers permettent de montrer qu’une autre politique est possible, puisque la Wallonie est une des entités les plus opaques en la matière, au contraire d’autres Etats qui autorisent le contrôle parlementaire et l’information publique sur les exportations d’armement. Là encore, le gouvernement wallon veut légiférer à la baisse à un endroit où il est plus que nécessaire d’adopter les standards les plus basiques.

 

Par conséquent, réformer le décret wallon est en effet une nécessité absolue. Mais certainement pas dans le sens que l’entend le gouvernement. S’il veut garder une once de crédibilité, il ne pourra éviter de garantir transparence et contrôle sur ces exportations.

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