Il y a deux semaines, la Ligue des droits l’Homme publiait son rapport 2014-2015 sur l’état des droits de l’Homme en Belgique. A cette occasion, le Président de la LDH (Alexis Deswaef) soulignait que 2014 avait été l’année où « les droits ont craqué ».
Un sombre constat introduisait son propos : en 20 ans et malgré le cordon sanitaire autour de lui, une partie du programme du Vlaams Belang pour « résoudre le problème des étrangers » a été accomplie – et quelquefois surpassée – par les gouvernements successifs : création d’un Secrétariat à l’immigration, création de centres fermés en dehors des zones habitables (et certains à côté de l’aéroport national), expulsions collectives à l’aide de C-130 de l’armée belge, pénalisation de l’aide apportée aux illégaux, paiement de frais administratifs par les étrangers demandant un séjour, etc.
Pourquoi une telle dérive ? Pourquoi une telle constance dans celle-ci ? Difficile évidemment d’envisager sereinement la réponse quand on évalue celle-ci à l’aune de la masse des discours convenus sur l’intégration et le vivre-ensemble. La réponse qu’on retrouve un peu partout sur la faiblesse des moyens est évidemment trop courte et masque difficilement les tendances inexorables au repli sur soi et au rejet.
Or, que constate-t-on ? Une criminalisation larvée ou assumée de l’étranger chez nous et la disposition toujours plus volontaire à vouloir le sauver à coup de bombes ailleurs. Ici, l’argument de la faiblesse des moyens prend les allures de Tartuffe. Si l’on ne prend que la guerre en Afghanistan, elle a coûté jusqu’à maintenant 1,4 milliard d’euros à la Belgique. Dans le même temps, bon nombre de demandeurs d’asile afghans se voient refuser leur demande de protection. Plus encore, Maggie De Block nous rassurait sur les quelques zones afghanes devenues miraculeusement « sûres » au moment même où le Gouvernement s’engageait pour le prolongement de la présence militaire belge dans le pays qui, sans cela, « serait soumis au chaos ». Et ne parlons pas de l’intervention militaire en Libye, qui a coûté 60 millions d’euros à la Belgique et dont on voit encore aujourd’hui la déstructuration profonde du pays et de la sous-région qu’elle a entraînée. Des centaines de témoins de cette aventure, repoussés au pied de la forteresse Europe, gisent en mer Méditerranée.
Dans un contexte sécuritaire où les appels à la déchéance de la nationalité se superposent aux incantations sur la recherche du vivre-ensemble, difficile pour une poule de retrouver ses poussins. L’immigration – et plus largement la question de l’étranger – est pourtant un formidable levier de conscientisation sur la réalité du monde et de notre empreinte sur celle-ci. Heureusement que, bientôt, le Gouvernement Michel nous annoncera son refus de remplacer les avions de chasse.
Certes, il ne reviendra pas sur les arguments du Gouvernement selon lesquels les chasseurs-bombardiers auraient servi à la Belgique d’ « assumer ses responsabilités pour un monde plus stable et plus en paix ». Mais il défendra l’idée forte que, quand même, pour la poursuite de l’objectif de paix et de stabilité, cet argent peut être utilisé beaucoup plus efficacement.