Nos représentants politiques tout frais sortis des urnes de ce 25 mai auront à poser un choix fondamental très rapidement : celui du remplacement des avions F-16 de l’armée belge. D’après le ministre de la « Défense » actuel, la Belgique devrait acheter 40 nouveaux chasseurs-bombardiers si elle veut rester un « partenaire fiable de l’Union européenne et de l’OTAN ». Cet achat a un coût énorme – particulièrement en ces temps d’austérité budgétaire économiquement et socialement dévastatrice – : 6 milliards d’euros. Auxquels viennent s’ajouter 288 millions d’euros par an pour les frais de fonctionnement et d’entretien. Sinistre message dans un pays qui coupe depuis plusieurs années drastiquement dans les dépenses publiques, qui organise la chasse aux chômeurs ou qui peine très fortement à honorer ses obligations d’allouer 0,7% de son PIB à l’aide publique au développement. Décider d’une telle dépense, vu les réalités budgétaires de la Défense, envoie un message clair : l’armée belge doit rester spécialisée dans les missions aériennes armées et les bombardements.
Qui veut la paix, prépare la guerre
Ce lundi 14 avril, journée mondiale d’action contre les dépenses militaires, Agir pour la paix et la CNAPD sont allés poser la question à la plupart des partis politiques candidats aux élections de 25 mai : PS, CDH, FDF, MR, Ecolo et PTB-GO (lire les réponses). Mis à part ce dernier, les partis politiques disent grosso modo tous la même chose : la question du renouvellement des F-16 est une question de crédibilité de la Belgique sur la scène internationale ; une manière de s’assurer que la Belgique gardera sa capacité à collaborer à la paix et à la stabilité mondiale. Louable exercice donc de consentir – de manière évidemment désintéressée ! – une dépense de 6 milliards d’euros pour l’achat de chasseurs-bombardiers destinés à travailler à la « paix ». Quand le gouvernement chasse les milliards d’euros pour « assainir les finances publiques », la perspective d’achat des chasseurs-bombardiers est donc présentée comme une dépense saine pour les finances publiques.
Envisager l’achat de nouveaux chasseurs-bombardiers pour travailler à la paix (ce que consent de faire l’unanimité – moins un – des partis politiques interrogés ce 14 avril) rappelle furieusement cette fameuse maxime : « qui veut la paix, prépare la guerre ». La Belgique devrait, selon nos représentants politiques, garder ses capacités d’intervention militaire pour répondre aux situations de crise et aux menaces à la paix. Faire la guerre, donc, pour faire la paix. Comme au Kosovo, en Afghanistan, en Libye. Mais pas comme dans d’autres endroits du monde où la « guerre pacifiante » aurait pu être engagée, mais où, probablement, l’agenda de la politique étrangère de la Belgique ne correspondait pas aux idéaux qu’elle défend ailleurs. Cette politique du « deux poids, deux mesures », constatable de manière répétée, ne doit pourtant pas nous égarer : c’est bien la logique dans son ensemble qu’il convient de dénoncer.
Cultiver la paix, ce n’est pas cultiver la guerre
Il faudrait 35 milliards de dollars pour éradiquer la faim dans le monde. La guerre en Afghanistan a coûté aux alliés jusqu’à maintenant, plus de 600 milliards de dollars. Le vol d’un F-16 belge en Afghanistan pendant 1 mois coûte 900.000 euros. Ça correspond au salaire d’environ 450 infirmières pendant 1 mois.
Comparaison n’est pas raison, certes. Mais ce genre de mise en perspective rappelle le creux des discours politiques qui disent vouloir travailler à la paix en investissant dans l’armement et dans la militarisation des réponses aux crises. La paix n’est pas le silence des canons. La paix se construit, au quotidien, en travaillant sur les causes des frustrations et des exclusions qui engendrent violence et conflit : inégalités économiques, pauvreté, famine, etc. Travailler à ces causes coûterait d’ailleurs moins cher que de pallier leurs conséquences désastreuses comme veulent continuer à le faire nos représentants politiques. Travailler à la paix, ici en Belgique, revient à investir dans un modèle de développement économique qui ne soit plus basé sur la consommation de masse et sur l’accumulation du capital comme fin en soi. Notre système de développement, le capitalisme ultralibéral mondialisé, basé sur la recherche monomaniaque de la croissance souligne au quotidien ses potentialités conflictuelles, sur le plan national et international. Non seulement parce qu’il engendre exclusion et donc frustration mais aussi parce que les ressources qui sont présentes sur la surface du globe ne permettent pas d’assurer un développement de tous les peuples. Les CAP magazines de la CNAPD (sur le pétrole, le gaz et l’uranium ; prochainement sur l’eau et sur les ressources minérales) le soulignent clairement.
D’ici là, contre l’investissement dans la guerre (qui a finalement pour objectif de sécuriser les intérêts de ceux qui y prennent part), il est utile de rappeler comment les Nations-Unies précisent la manière dont il convient de travailler à la paix : la culture de la paix est un ensemble de valeurs, attitudes, comportements et modes de vie qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les individus, les groupes et les États (résolutions des Nations Unies A/RES/52/13). Pour que la paix et la non-violence prévalent, il nous faut renforcer une culture de la paix par l’éducation par la révision des programmes d’enseignement afin de promouvoir des valeurs, des comportements et des modes de vie qui vont dans le sens d’une culture de la paix telle que la résolution pacifique des conflits, le dialogue, la recherche de consensus et la nonviolence. Une telle approche éducative devrait par ailleurs être dictée par les objectifs suivants : promouvoir le développement économique et social durable, par la réduction des inégalités économiques et sociales, l’éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire durable, la justice sociale, des solutions durables aux problèmes de la dette, l’autonomisation des femmes, des mesures spéciales pour les groupes aux besoins particuliers, la durabilité environnementale,…
En Belgique, par contre, on continue à souligner à l’unisson que la paix se prépare en achetant des avions chasseurs-bombardiers, en entreposant des armes nucléaires, en étant le 8e exportateur d’armes légères dans le monde, des armes de destruction massive effectives.
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