De retour du Peace Summit de Madrid organisé les 24 et 25 Juin derniers, Aubane Décobert (stagiaire à la CNAPD) nous fait part de ses impressions sous la forme d’un « p’tit potager de la paix », un nouveau format que mettons à l’essai, telle une chronique laboratoire. Le p’tit potager a à cœur de partager humeurs et retours d’expérience de de l’équipe de la CNAPD, de nos membres et toutes celleux qui gravitent autour de notre coordination.

En tant que membre d’Intal, j’ai eu l’occasion de me joindre à notre délégation se rendant au Peace Summit de Madrid organisé les 24 et 25 Juin derniers. Deux jours de conférences et d’ateliers ont précédé la grande manifestation pour la paix du dimanche 26 Juin s’opposant à l’OTAN.

Écologie, impérialisme, sécurité humaine… le Peace Summit a abordé l’OTAN par des angles multiples, pour mieux remettre en question l’alliance militaire. Mais un sujet transversal s’est montré relativement percutant : la lutte féministe. D’après la définition de la paix de l’ONU donnée lors de l’Assemblée Générale de 1999: « La paix n’est pas simplement l’absence de conflits, mais est un processus positif, dynamique, participatif qui favorise le dialogue et le règlement des conflits dans un esprit de compréhension mutuelle et de coopération ». Il apparaît donc primordial que la construction d’une culture de paix dans nos sociétés se fasse par une meilleure inclusion de tous ses membres, dont les femmes. Paix ne peut donc pas cohabiter avec patriarcat, que nous définirons ici comme « le système de subordination des femmes aux hommes dans les sociétés industrielles contemporaines » d’après la définition de Christine Delphy dans son livre L’ennemi Principal.Les militantes espagnoles et d’Amérique du Sud sont sans aucun doute à l’avant-garde des luttes féministes, nous avons pu le constater lors de d’une rencontre avec le MDM (Movimiento Democrático de Mujeres). Cristina Simó (secrétaire chargée du féminisme au parti communiste espagnol) nous expliquait à cette occasion comment les féministes ont réussi à renforcer le pouvoir du ministère espagnol de l’égalité suite à leur mobilisation, notamment via le dispositif « Punto Violeta »  utilisé dans les lieux festifs afin de prévenir les violences sexistes. Les sud-américaines ne sont pas en retrait, en 2019 le collectif ‘Las Tesis’ avait provoqué une onde de choc mondiale avec leur performance « Un Violador en tu Camino », reprise aux quatre coin du monde. Un discours de Gloria Ramírez (Vice-Présidente Amérique et Caraïbes de la Fédération Démocratique Internationale des Femmes) rapporté par Evelyn Pinto nous parlait également du Venezuela, où une banque de développement pour les femmes a été créée ainsi que des espaces juridiques pour traiter les violences faites aux femmes.Alors qu’en Belgique l’activisme pour la paix a tendance à beaucoup s’organiser autour de questions militaires parfois assez techniques, nous avons pu constater qu’au-delà de la maîtrise de ces sujets, les activistes pour la paix espagnoles et sud-américaines incluent mieux que nous la question du sexisme dans leur engagement.Il est important de remarquer que la lutte pour la paix et la lutte pour l’égalité des sexes convergent dans un même sens et sont indissociables l’une de l’autre. L’impérialisme exercé par l’OTAN, les régimes militaires et capitalistes, ainsi que le sexisme répondent aux mêmes systèmes patriarcaux de domination par la violence. Les femmes y sont particulièrement exposées en temps de conflit si nous constatons l’usage du viol comme arme de guerre et le fait que la guerre amplifie la précarité de populations déjà plus vulnérables en opérant des déplacements forcés ou des pénuries de ressources vitales. Ceci dit, comme de nombreuses intervenantes l’indiquèrent, la guerre c’est tous les jours pour les femmes, les conflits armés ne font qu’aggraver leur situation en profitant de l’insécurité pour ne pas observer leurs droits. Comme Lorena Peña, présidente mondiale de la FDIF (Fédération Démocratique Internationale des Femmes) le faisait remarquer : Les guerres amplifient le machisme, les hommes revenant de la guerre ont tendance à avoir des attitudes plus violentes et sexistes. Le dialogue n’est généralement pas envisagé comme la manière de résoudre un problème sous la logique patriarcale qui se tourne plutôt vers la violence comme solution.L’oppression sexiste et raciale n’est au demeurant rien de plus que la continuation de l’oppression de classe. Les logiques de militarisation sont similaires à celles du capitalisme, la manière dont l’OTAN continue de s’étendre nous le rappelle, et ce au détriment l’environnement et de la sécurité humaine. Le capitalisme global se nourrit du travail des femmes, surtout ouvrières, et de leur travail sous payé (voire non payé pour le travail domestique) alors qu’elles en sont les premières victimes. Il est pertinent de prendre en compte les questions d’intersectionnalité puisque les logiques de domination touchent d’autant plus les femmes racisées. Les organisations militaires continuent à croitre, et cela malgré des dettes publiques toujours plus conséquentes qui seront bien évidemment supportées par ces travailleurs et travailleuses précarisés soutenant le système. Les femmes doivent donc être les protagonistes à l’avant-poste d’un changement socio-économique, tout comme les populations racisées, immigrées, LGBTQI+, en situation de handicap, ou précarisées, elles aussi plus vulnérables sous notre système actuel.Dans une même logique, l’écoféminisme représente un mouvement important dans les mouvements de paix. Le parallèle entre ce que l’être humain fait à la nature et l’oppression exercée par les hommes sur les femmes (et toute autre personne ne se considérant pas en tant qu’homme cis-genre) est facilement observable en termes d’exploitation et d’appropriation, comme le fait remarquer Camille Wernaers dans un article de la Revue Politique. Cet article retrace notamment l’histoire des 19 ans d’occupation militante (1981-2000) de la base de Greenham Common au Royaume-Uni, par des femmes. Cette base militaire représente la première base européenne abritant plus d’une centaine de missiles nucléaires étatsuniens. Les activistes avaient alors décidé d’occuper cette base après une marche pour la paix reliant Cardiff à Greenham Common suite au refus d’un débat public télévisé abordant la question. Cet événement soulève par ailleurs la question de la légitimité de l’OTAN du fait de son manque de contrôle démocratique par les États membres.Le sommet de Madrid fut donc un grand moment de prise de conscience et d’espoir pour tous les participant.e.s ayant eu l’occasion d’échanger et de tisser des liens avec de nombreux activistes venus du monde entier. Il nous a rappelé que la convergences de nos luttes, qu’elles soient en termes d’égalité des genres, écologiques, anti-racistes, anti-colonialistes, pour la paix… est essentielle ! La paix dans le monde ne se développera qu’en défaisant inégalités et violences structurelles de nos sociétés, les luttes féministes sont donc indissociables de cet idéal de paix vers lequel nous devons tendre.En attendant un article décrivant les autres sujets abordés pendant le sommet, vous pouvez d’ores et déjà lire la déclaration finale sur le site https://peacesummitmadrid.org/ ou réécouter certaines conférences via la chaîne Youtube @transformeurope.Aubane Décobert, Stagiaire à la CNAPD.

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