Alors que la Namibie et le Timor oriental ont obtenu leur indépendance en 1990 et 2002, deux autres territoires luttent toujours pour leur droit à l’autodétermination conformément à l’article 1, alinéa 2 de la charte des Nations Unies.

Tous deux ont un drapeau presque similaire, ils luttent contre une colonisation illégale et souffrent d’une violation quotidienne des droits humains. Ces territoires se situent de part et d’autre de la Méditerranée, aux portes de l’Europe, chacun à l’Ouest de leurs continents respectifs. Ce sont le Sahara occidental et la Palestine.

Cet article est dédié aux derniers événements propres d’un pays divisé par un mur long de 2700 km. Cet article est dédié à 41 ans de lutte pour l’indépendance. A 21 ans d’attente pour un référendum. Cet article est dédié au conflit maroco-sahraoui. Cet article est dédié à la paix… Un objectif vert pavé de bonnes intentions ?

Il y a un mois s’achevait la COP22 et, comme Hakima El Haite l’avait annoncé, la conférence tenue à Marrakech sera « la COP de l’action ». Toutefois, ce que la ministre marocaine de l’environnement n’avait pas précisé, c’est que pour cette occasion le Maroc actionnerait son plan d’annexion verte du Sahara occidental. Outre les efforts respectables et considérables du royaume à organiser des avancées et des mesures en termes de lutte contre le réchauffement climatique, nous allons nous pencher sur la face cachée de ce « greenwashing marocain ».

De sales énergies propres

Après 50 ans de pillage halieutique, 40 ans de pillage des ressources naturelles non-renouvelables, Mohammed VI veut consolider son emprise sur le Sahara occidental grâce à l’exploitation des ressources naturelles renouvelables. Un objectif en contradiction avec le droit international sur la forme. En effet, via l’OCP (Office chérifien de Phosphates), le Maroc exploite une mine de phosphate au nord du Sahara occidental dont la production est dédiée exclusivement à l’exportation vers les producteurs d’engrais étrangers. Et en plus de ses réserves minières, la zone est particulièrement venteuse.

C’est pourquoi le Maroc a négocié un contrat avec la multinationale allemande Siemens pour l’installation de 22 éoliennes aux abords de la mine en 2012 afin de couvrir les coûts d’extraction et d’exportation du précieux minerai.

Loin de s’arrêter là, le royaume a pour objectif d’atteindre les 42% de production d’électricité d’origine renouvelable pour 2020 en développant 5 autres grands parcs éoliens dont 2 se situent sur les territoires sahraouis occupés (à Boujdour et à Tiskrad). Comme à son habitude, les négociations se sont déroulées sans la représentation de la RASD (République Arabe Sahraouis Démocratique)

« Une seule exportation d’une cargaison de phosphates peut valoir autant qu’un tiers de l’ensemble de l’aide humanitaire allouée aux réfugiés du Sahara occidental, qui sont les propriétaires du minerai ». Source : WSRW ; « Electrifier le pillage »P.4

« … et le Sahara restera partie du Maroc, jusqu’à la fin des temps 1» ?

En novembre 2012, un accord de libéralisation des produits issus de l’agriculture et de la pêche était conclu entre le Maroc et l’Union européenne. Critiqué par des parlementaires européens, les associations de soutien et le Front Polisario – seul représentant légitime de la RASD -, l’accord avait été porté devant la Cour européenne de justice juste après sa conclusion. Il aura fallu trois ans d’intense combat juridique pour que la CEJ reconnaisse le pillage du Sahara par le Maroc et sanctionne cet accord 2. Cet arrêt marque une victoire sans précédent pour les Sahraouis et les défenseurs du droit international. En reconnaissant le pillage illégal et le principe de primauté des intérêts des habitants des territoires non-autonomes inscrit dans la Charte des Nations Unies, la CEJ a contribué une jurisprudence qui renforcera la reconnaissance ou du moins permettra une meilleure défense des intérêts politiques et économiques du territoire revendiqué par les Sahraouis.

Le retour du Maroc à l’Union Africaine ?

« Voilà, et je le déplore, l’heure de nous séparer. En attendant des jours plus sages, nous vous disons adieu et nous vous souhaitons bonne chance avec votre nouveau partenaire »3 (NDLR : le Sahara occidental). Prononcée lors du 20ème sommet de l’Union Africaine à cause de la reconnaissance du « proto–Etat » du Sahara occidental, le Roi Mohammed VI veut aujourd’hui revenir sur cette déclaration. Ayant compris qu’il ne pouvait consolider sa politique sans une reconnaissance régionale et sans soutien de la part des autres chefs d’Etat, le Roi du Maroc multiplie les rencontres intergouvernementales avec les dirigeant de l’Union Africaine (UA) à la recherche de contrat bilatéraux. Notamment auprès des dirigeants qui soutiennent la RASD. Une usine d’engrais en Ethiopie, un projet de gazoduc au Nigeria,… l’objectif étant de redorer son étoile au sein de l’organisation panafricaine et d’exclure la République Arabe du Sahara Démocratique.

Un pas de travers à la COP22

Néanmoins, malgré tous ces efforts, on retiendra surtout la faute diplomatique du royaume lors de la COP22, qui a empêché la vice-présidente Sahraouie de l’Union Africaine, Suelma Beirouk, de participer à la conférence avant de l’expulser en Algérie en dépit de la légalité de son statut.

Une décision paradoxale alors que le Maroc intensifie son labeur pour regagner sa place dans l’organisation. De plus, on notera au passage que toute adhésion doit renforcer l’acquis communautaire et reconnaître les frontières héritées de l’ère coloniale dans l’Acte constitutif de l’UA.

« Le conseil de sécurité viole constamment les droits de l’homme…4 »! »

Nonobstant les interventions militaires au nom des droits de l’homme dans plusieurs pays du monde, il y a pourtant une volonté claire d’empêcher les Sahraouis à atteindre leur indépendance. Bien que le processus de paix prévoyait un référendum en 1991 sous l’égide de l’ONU, le Conseil de sécurité couvre toujours le gouvernement marocain dans son blocage des négociations. En ne confiant pas la prérogative de la surveillance des droits de l’Homme à la MINURSO (Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental), le conseil de sécurité a de facto validé l’occupation illégale. En protégeant le Maroc lors de l’expulsion de quatre-vingt agents de la MINURSO en 2006 le Conseil de sécurité retarde l’organisation du referendum.

Dans les prochains jours, le CS se réunira pour discuter de la violation du cessez-le-feu du Maroc le 28 aout dernier au-delà de la zone de tampon érigée par l’ONU. Une occasion encore pour la France d’utiliser son droit de veto pour protéger ses intérêts économiques et politiques avec le Maroc comme elle l’a fait pour les cinq dernières réunions concernant ce dossier.

On ne peut que rester attentif à la décision qui sera prise et aux 120 mètres qui séparent maintenant les deux armées, marocaine et sahraouie.


1 Le Roi Mohammed VI, 06/11/2014. 2 La décision 2012/497/UE du Conseil, du 8 mars 2012, concernant la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles nos 1, 2 et 3 et de leurs annexes et aux modifications de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, est annulée en ce qu’elle approuve l’application dudit accord au Sahara occidental. 2) Le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supporteront chacun leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario). 3 Déclaration d’Ahmed Réda Guédira, porte-parole du Maroc lors du 20e sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le 12/11/1984, à Addis-Abeba. 4 François Dubuisson, conférence sur la résolution des conflits territoriaux 06/12/2016

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