Ce dimanche 07 avril, la Ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib se rendra au Rwanda pour commémorer le 30e anniversaire du génocide rwandais. Elle poursuivra son séjour dans la région avec une visite en RDC, où la situation à l’Est du pays continue de s’empirer, notamment à cause de l’implication du Rwanda. À cet effet, la CNAPD exprime sa profonde inquiétude quant à l’apparente insensibilité de l’Union européenne face au conflit en cours, manifestée par les récents accords économiques et militaires conclus avec Kigali.
Il est important qu’un représentant belge assiste aux commémorations du génocide rwandais. La CNAPD appelle la ministre à saisir cette occasion pour dénoncer les responsabilités du gouvernement de Paul Kagame dans la crise sécuritaire et humanitaire qui sévit à l’Est de la RDC et à réexaminer les accords passés récemment avec le Rwanda.
Depuis la fin des années 90, des conflits armés à l’Est de la République Démocratique du Congo ont causé la mort de près de 6 millions de personnes et le déplacement de 7 millions d’autres. Depuis janvier 2024, nous constatons une nouvelle escalade de la violence armée dans la région. Ces violences ont entraîné la mort de centaines de personnes ces dernières semaines et ont contraint des dizaines de milliers de congolais·es à fuir. Selon l’OCHA, plus de 25,4 millions de personnes – soit un quart de la population du pays – souffrent d’insécurité alimentaire sévère, dont 3,5 millions en situation d’urgence alimentaire, notamment due à la violence et l’insécurité dans les provinces orientales.
Selon plusieurs rapports de l’ONU, le Rwanda est derrière des milices armées responsables d’atrocités sur le territoire congolais. Parmi les plus connus, citons le mouvement rebelle M23 qui est financé, armé et soutenu par le gouvernement du président Paul Kagame.
Le 7 mars dernier, la ministre Lahbib a condamné les violences à l’Est de la RDC et a appelé à juste titre le Rwanda à cesser son soutien au M23 et à retirer ses troupes de l’Est du pays. Ce n’est pas suffisant.
Malgré la grande misère dans laquelle vit le peuple congolais, ce pays est extrêmement riche en ressources naturelles. Des ressources précieuses telles que le tantale ou le cobalt, minerais essentiels pour la transition écologique et la numérisation de notre économie, se trouvent principalement dans le sol congolais, en particulier dans l’Est du pays. C’est cette richesse en ressources naturelles qui explique principalement la perpétuation de ce conflit meurtrier.
Dans cette optique, l’accord conclu entre l’UE et le Rwanda en février qui vise à « favoriser le développement de chaînes de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques », est extrêmement problématique. Le sol rwandais est en effet dépourvu de ces fameuses « matières premières critiques ». À titre d’exemple, le Rwanda, qui ne possède pas une seule mine de coltan ou de tantale est devenu, en quelques années, respectivement le 1er et le 3e exportateur mondial de ces minerais. Par cet accord, l’UE fait donc passer ses intérêts commerciaux avant la sécurité et la prospérité du peuple congolais. Par cet accord, l’Europe signale que la transition écologique sur notre continent continuera de s’organiser sur la spoliation du Congo.
Dans la même logique, la CNAPD est également préoccupée par l’adoption récente par le Conseil de l’Union européenne d’une mesure d’assistance d’un montant de 20 millions d’euros destinée à soutenir le déploiement de l’armée rwandaise pour lutter contre une insurrection islamiste au Mozambique, dans le cadre de la Facilité européenne de paix (FEP). Ce soutien à l’armée rwandaise pour des opérations au Mozambique ne peut être dissocié du contexte actuel dans l’Est de la RDC et du soutien de cette même armée aux rebelles du M23.
Il est fortement à craindre – pour ne pas dire évident – que le développement continu du partenariat entre l’UE et le Rwanda n’attise la violence dans l’Est de la RDC et complique encore davantage la recherche de la stabilisation et de la pacification. La CNAPD appelle donc à une révision de ces accords commerciaux et militaires, contraires à tous les standards officiellement poursuivis par les dirigeants européens. Les priorités devraient toujours être la sécurité des populations et le respect de leurs droits fondamentaux. Comme nous le rappelle douloureusement la commémoration des 30 ans du génocide rwandais.
Grégory Mauzé et Martin Maréchal, Co-présidents de la CNAPD