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Le drame humain qui est à l’œuvre en Syrie bouscule le monde entier. Horrifiés, les téléspectateurs découvrent sur leurs écrans les images des massacres…sans toujours comprendre pourquoi la communauté internationale ne réagit pas. Afin d’ouvrir des pistes de réponses, Justice et Paix organise des formations afin d’acquérir des clés de lecture permettant de mieux démêler les enjeux et conflits internationaux
Le Conseil de Sécurité des Nations Unies est bloqué. En cause, les refus de la Russie et de la Chine d’approuver une intervention visant à rétablir la paix dans le pays. Si la raison principale avancée par les médias internationaux se cristallise autour des ventes d’armes que ces deux puissances réalisent avec la Syrie, on peut aussi lire leur comportement à partir d’une lunette géopolitique : quels sont les intérêts vitaux qui sont en jeu ?
La Russie est en plein réveil. Après des années de crise économique et politique, elle relève la tête et entend retrouver son statut de grande puissance. Aidée par un développement économique lié à la vente de pétrole et de gaz, elle entend devenir incontournable dans les prises de décisions mondiales et cela afin de préserver ses intérêts géostratégiques. La principale menace identifiée pour sa survie est l’extension de l’Union européenne et de l’OTAN à ses portes. C’est tout naturellement que la Russie craint donc de voir se répéter en Syrie un scénario à la libyenne avec une intervention armée qui contribuerait à renforcer l’Alliance atlantique.
Mais la Syrie est surtout une alliée indéfectible de la Russie. Le régime de Damas a fourni un soutien sans faille à Moscou lors de la guerre en Géorgie en 2008. Cette action militaire a servi à protéger les minorités russophones des régions autonomes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud et à montrer à l’OTAN qu’une extension de son organisation vers l’Est n’était pas acceptable pour elle. Au milieu des condamnations internationales, cet appui a été très précieux. Cette alliance permet à la Russie, via la position stratégique de la Syrie, de peser dans les grands dossiers de la région comme le nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien. C’est en Syrie que Moscou détient la base navale de Tartous (face à Chypre). Elle est de première importance car elle lui fournit un point d’ancrage en Méditerranée qui lui permet de contrebalancer le poids occidental.
Intérêts et menaces
La Chine a également des objectifs stratégiques qui expliquent sa volonté de geler toute décision du Conseil de Sécurité qui irait dans le sens d’une intervention. Sa politique officielle de « développement pacifique » lui impose d’éviter tout conflit qui pourrait paralyser ses investissements économiques dans la région. En tant que pays émergent, elle forme un front avec la Russie face aux puissances occidentales. Elle est guidée par cette volonté de représenter les pays du Sud de la planète dans toutes ses décisions diplomatiques. Enfin, comme la Russie, elle s’oppose à toute ingérence dans les affaires internes d’un pays tiers. Ce principe sacro-saint constitue la pierre angulaire de l’ancien mouvement des pays non alignés, dont se revendiquent maintenant les puissances émergentes du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
Les comportements russes et chinois au Conseil de Sécurité s’expliquent par l’imbrication d’intérêts et de menaces perçues. C’est un véritable jeu d’échec géopolitique qui se noue devant nous, et cela au détriment de populations entières qui finissent massacrées à cause de ces atermoiements.
Nous pouvons citer l’exemple de la Syrie, mais également d’autres conflits récents comme le Mali ou la Libye pour lesquels les vraies raisons des hostilités sont souvent éludées par les médias traditionnels. Il nous faut souvent gratter ailleurs afin d’obtenir des bribes d’informations offrant davantage d’éclairage. Les conflits internationaux font partie intégrante de l’histoire de l’humanité. Ce constat doit nous inciter à vouloir démêler la complexité des relations internationales. Car une culture de paix passe avant tout par une meilleure connaissance des enjeux globaux. Être un citoyen responsable, c’est pouvoir décoder l’actualité internationale en comprenant le jeu pratiqué par les grandes puissances. Il est primordial d’acquérir de clés de lecture si nous voulons dépasser l’analyse parfois superficielle qui nous est servie par les mass médias.
C’est pour cette raison que Justice et Paix organise depuis 2011 une formation d’une journée intitulée « Comprendre les conflits internationaux ». Cette formation – qui a déjà été dispensée à 6 reprises auprès de 150 personnes – permet d’approfondir les concepts de base entourant les notions de conflits et de paix dans l’optique de développer une démarche d’analyse. Ainsi, la formation s’articule autour d’un cadre conceptuel et une grille d’analyse pour comprendre et analyser les faits de politique internationale. Dans ce but, la géopolitique mondiale contemporaine fait l’objet d’une attention particulière.
La formation alterne des apports de contenu, débats en séance plénière, mises en situations concrètes et moments de travail en groupes. La réflexion commune autour de supports et d’outils pédagogiques permet aux participants de mieux s’approprier un contenu qui, selon beaucoup de participants « peut être perçu comme peu digeste lorsqu’on ne s’y plonge pas entièrement, mais qui prend tout son sens après une journée de formation comme celle-ci ». L’essentiel est de prendre le temps de s’imprégner du sujet et surtout de laisser libre cours aux réflexions émanant des participants.
Diversité et auto-construction
C’est principalement la diversité des participants qui constitue la richesse de ces moments de rencontre. Se côtoient des enseignants, organisations sociales, étudiants ou simples citoyens désireux d’en savoir plus sur le monde qui les entoure. Ils partagent leur analyse sur l’actualité et s’affrontent pacifiquement à coup d’arguments contraires. L’important n’est pas de venir avec des connaissances encyclopédiques, mais plutôt avec la volonté d’échanger ses impressions et de les mettre en perspective avec la collectivité. Ainsi, ils développent un esprit critique sur les relations internationales par une participation active. La formation est réellement auto-construite selon la direction donnée par les participants…
Mais les bénéfices d’une journée de travail de ce type ne s’arrêtent pas là. Les participants qui travaillent avec d’autres publics cibles ne manquent pas d’utiliser les différents outils proposés dans le cadre des activités qu’ils mènent avec eux. La faculté de démultiplier les connaissances acquises est en effet primordiale. Ainsi, la formation propose un jeu de rôles mettant en scène tous les pays membres du Conseil de Sécurité joué par les participants. Nous les invitons à trouver un moyen de résoudre un conflit international, par le dialogue et la négociation. De l’aveu de plusieurs personnes, ceci constitue un formidable moyen de faire prendre conscience aux autres de la complexité des relations internationales.
Au-delà de l’acquisition de ces connaissances, la valeur ajoutée d’une telle formation est à trouver dans cette prise de conscience de ce qui se trame en coulisses, lorsque l’on parle des enjeux internationaux. Elle doit être mobilisatrice et inciter les citoyens à agir en faveur de la paix dans le monde. Car oui, il est possible d’interpeller nos représentants politiques belges et européens afin qu’ils se mobilisent dans le cadre des conflits toujours plus nombreux qui parsèment le monde… Nos parlementaires fédéraux se réunissent au sein de la commission des relations extérieures de la Chambre et du Sénat pour traiter de ces questions et à ce titre constituent nos élus les plus accessibles à recevoir nos doléances diverses en la matière. Enfin, il est toujours possible de s’engager directement avec des organisations comme Action Pour la Paix , qui privilégie des actions de non-violence active sur les conflits et enjeux internationaux.
Santiago Fischer Commission Justice et Paix Belgique francophone Avril 2013