MOTION DE SOUTIEN CONTRE LES NOUVELLES TENTATIVES D’EXTRADITION DE M. BAHAR KIMYONGÜR VERS LA RÉPUBLIQUE TURQUE, CONTRE LE DURCISSEMENT DE LA RÉPRESSION EN TURQUIE ET CONTRE LE RENFORCEMENT DE LA COLLABORATION POLICIÈRE ENTRE LA BELGIQUE ET L’ETAT TURC.
1. Vu que, ce 17 juin, lors d’une visite de la Cathédrale de Cordoue, M. Bahar Kimyongür (belge d’origine turque) a été arrêté devant sa femme et ses enfants par des policiers en civils espagnols, sur base d’un mandat d’arrêt international délivré par la Turquie le 28 mai 2013;
2. Vu qu’il s’agit d’un nouveau rebondissement des tentatives de criminalisation de l’usage fait par M. Kimyongür de sa liberté d’expression et d’association (dont sa collaboration au Bureau d’information qu’avait ouvert un mouvement de gauche turc, le DHKP-C, considéré comme terroriste par Ankara), et de le livrer dans les mains du régime policier turc; En effet, pas moins d’un procès, trois procédures d’appels et trois jugements en cassation ont été nécessaires, entre 2003 et 2010 pour clôturer l’acharnement du Ministère public belge à criminaliser l’action de M. Kimyongür, sous la pression de l’Etat Turc. Une tentative d’extradition extra judiciaire a également eu lieu en 2006, via les Pays-Bas. In fine, après 7 années de procédures judiciaires, tant les tribunaux belges que néerlandais ont définitivement refusé de donner suite aux demandes de condamnation pour terrorisme ou d’extradition vers la Turquie; 3. Vu que la justice a libéré M. Kimyongür moyennant une caution de 10 000 euros le 19 juin dernier. S’il peut rentrer en Belgique, la procédure judiciaire va toutefois se poursuivre en Espagne. La famille de M. Kimoyongür et le Comité pour la liberté d’association et d’expression ont lancé un appel à soutien financier, afin de pouvoir faire face aux différents frais d’avocats et judiciaires auxquels M. Kimyongür doit faire face;
4. Vu qu’au-delà du cas particulier de M. Kimyongür, cette action judiciaire intervient au moment même où, depuis le 31 mai, l’Etat Turc bafoue la liberté d’opinion et fait un usage disproportionné de la force notamment vis-à-vis des manifestants de la place Taksim, mais également à travers toute la Turquie, en faisant cinq morts, les milliers de blessés (7832 dont 63 graves selon l’ordre des médecins ) et en arrêtant des milliers de personnes. Comme le note le Prix Nobel de la littérature Orhan Pamuk dans Le Monde du 6 juin dernier¹(lui-même mis en examen en 2005 pour « insulte délibérée à l’identité turque » pour avoir reconnu publiquement le génocide arménien) : « La situation des droits de l’homme en Turquie n’a jamais été aussi déplorable depuis dix ans. »;
5. Vu que, parallèlement, les autorités belges et turques intensifient depuis plusieurs mois leurs contacts en matière de coopération judiciaire et de « lutte contre le terrorisme ». Nous savons que la Belgique a eu des contacts avec l’Etat turc préalablement à l’arrestation de Monsieur Kimyoungür. En effet, un communiqué de presse des Affaires étrangères indiquait ainsi, le 22 janvier 2013 la tenue d’une réunion ministérielle Belgique-Turquie trilatérale Affaires étrangères, Justice, Intérieur². Par ailleurs, le 22 mai 2013, le site de la Ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet³, annonçait quant à lui que celle-ci rencontrait les ministres, autorités et les services de sécurité turcs, concernant la situation des ressortissants belges et européens combattant en Syrie ainsi que les dossiers de sécurité liés au terrorisme.
6. Vu que les propos de Pierre Tartakowksy, Président de la Ligue des Droits de l’Homme française en février 2013⁴, à propos d’un projet de collaboration judiciaire Franco-Turc, relevant les multiples condamnations de la Turquie au regard du non-respect des Droits de l’Homme.
L’Assemblée générale de la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie,
1. Dénonce l’arrestation à Cordoue de M. Bahar Kimyongür sur base d’un mandat d’arrêt international émis par la République Turque, et invite à la justice espagnole à, comme l’ont déjà fait les autorités judiciaires belges et néerlandaises, refuser d’assimiler à une activité terroriste le délit d’opinion ou d’appartenance à une organisation, et en conséquence à acquitter M. Bahar Kimyongür;
2. Soutien, sans se prononcer sur les opinions et les engagements de M. Kimyongür, l’exercice de son droit de libre opinion et d’association;3. Demande à la Belgique (et notamment aux Ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangère) de rendre pleinement publics leurs accord de coopération policière avec la Turquie, de rompre toute relation de coopération avec la Turquie en matière de lutte contre le terrorisme qui irait au-delà du droit international pénal, d’entreprendre les démarches pour que la Turquie ne puisse plus utiliser Interpol pour questions liées au « terrorisme » et de faire pression par toutes voies utiles sur la Turquie pour le respect des droits démocratiques (dont l’opposition au processus d’adhésion à l’UE).
4. Invite les organisations membre à joindre leur signature à cette motion et à participer financièrement au fond de solidarité pour la défense juridique de M. Kimyongür organisé par la Comité pour la liberté d’expression et d’association (www.leclea.be).Carlos CRESPO et Nicolas Vandehemel, co-présidents de la CNAPD