Le prochain sommet de l’OTAN ne doit pas consacrer une nouvelle escalade militaire. C’est le point de vue défendu dans cette carte blanche par la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie.
C’était écrit dans les astres : les tensions accrues avec la Russie vont dominer les échanges des chefs d’États membres de l’OTAN lors du sommet de l’alliance au Pays de Galles ces 4 et 5 septembre. « Alors que la crise russo-ukrainienne dure depuis six mois, nous devons convenir de mesures à long terme pour renforcer notre capacité à réagir rapidement à toute menace. Cela rassurerait nos alliés qui craignent pour la sécurité de leur pays et stopperait les velléités d’ingérence de la Russie« , a déclaré le Premier ministre britannique David Cameron, l’hôte du sommet de l’OTAN. A en juger par les récentes déclarations de différents alliés de l’OTAN, dont la Belgique, il semble que nous soyons inexorablement revenus à l’époque de la Guerre froide.
Détournement de la crise en Ukraine
Capitalisant sur l’inquiétante appréhension manichéenne de la crise en Ukraine, différents dirigeants de l’OTAN veulent renforcer le poids politique, la cohésion interne et l’efficacité de l’Alliance militaire. Dans un article d’opinion paru dans le Wall Street Journal du 17 août, le Secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, et le Commandant suprême des forces de l’OTAN (« SACEUR ») Philip Breedlove, soulignent que la « menace russe » exige le renforcement des capacités de réaction rapide de l’OTAN, une présence accrue de troupes de l’Alliance à l’Est de l’Europe et, last but not least, le renversement de la tendance à la baisse des budgets de défense dans plusieurs pays européens.
Davantage passées sous silence sont les contributions de l’OTAN à la dégradation des relations avec la Russie. Quand en 2008, les alliés ont proposé à la Géorgie et à l’Ukraine de devenir membre de l’OTAN, ils étaient bien conscients de la provocation qui en serait ressentie du côté russe. Dès 1994, d’ailleurs, le Secrétaire d’État américain Warren Christopher écrivait déjà que l’expansion de l’OTAN vers l’Est engendrerait la « prophétie auto-réalisatrice » d’un « néo-impérialisme de la Russie ». La réaction furieuse de Moscou était également prévisible quand l’OTAN a décidé en 2010 de construire un bouclier anti-missile en Europe, à partir du moment où celui-ci entraîne un déséquilibre de la dissuasion nucléaire et augmente d’autant, aux yeux de la Russie, le risque d’une guerre atomique.
L’OTAN veut augmenter les budgets militaires
En tout état de cause, la crise en Ukraine semble fournir l’argument pertinent pour soulever le « problème » de la « faiblesse militaire » des États européens membres de l’OTAN. Voilà des années que Washington insiste sur le fait que l’Europe doit investir « plus et mieux » dans la défense. Depuis 2014, les États-Unis sont comptables de plus de 70% des budgets de la défense de l’OTAN contre 59% en 1995. Cette augmentation s’explique tant par la flambée des dépenses militaires américaines depuis les attentats du 11 septembre 2001, que par la diminution des budgets de défense dans plusieurs pays européens en raison de la détente post Guerre froide et, surtout, de la crise économique et financière de 2008. Bien que les alliés de l’OTAN aient tous décidé, en 2006, de consacrer 2% de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense, seuls 4 pays européens respectent cet engagement. La Belgique y consacre environ 1% de son PIB. Rasmussen a déjà plusieurs fois « encouragé » la Belgique à tendre vers la norme budgétaire de l’OTAN. Cela signifie que nous devrions consacrer, chaque année, 2,7 milliards de plus à la défense. Cela semble rationnellement irréaliste compte tenu des 17 milliards que notre pays doit trouver lors de la prochaine législature, afin d’honorer les engagements du Traité budgétaire européen. Une augmentation du budget de la défense serait irresponsable quand on voit les défis socio-économiques et environnementaux auxquels notre pays est confronté.
Plus d’armes ?
La Belgique est également mise sous pression à l’OTAN pour qu’elle consacre davantage de son budget défense aux investissements en armement et en matériel militaire. Là aussi, le standard de l’OTAN est souligné: 20% du budget de la défense devrait être consacré à ce type d’investissement.
Cela nous amène au débat sur le remplacement des avions de combat F-16. Selon le Ministre démissionnaire de la Défense Pieter De Crem, la Belgique devrait acheter 40 nouveaux avions de combat F-35 afin de pouvoir participer tant aux opérations de combat qu’au transport et au largage des bombes nucléaires B-61 stationnées en Belgique et prochainement « modernisées ». Dont coût : environ 6 milliards d’Euros, sur lesquels les négociateurs actuels se sont entendus la semaine dernière.
Désarmer pour développer
Le mouvement de la paix belge appelle nos responsables politiques à ne pas participer plus avant à la résurgence de la logique de la guerre froide, que l’OTAN remet en avant. Ce n’est pas d’armes et de plus d’armée dont notre pays a besoin, mais bien d’investissements pour un développement économique, social et environnemental durable. Ce n’est pas de déploiements militaires et d’armes nucléaires dont nous avons besoin, mais bien d’initiatives diplomatiques seules à même de travailler à la détente et à la restauration de la confiance réciproque avec la Russie.
Personne ne sortira gagnant d’une nouvelle course aux armements.