L’activité militaire (entretien et fonctionnement du matériel et des bases militaires, production d’armes, exercices, manœuvres, interventions, etc.) pollue énormément.
Impossible, par contre, de dire exactement combien.
En effet, chaque État partie à la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) a l’obligation de rapporter ses émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES). Mais le secteur militaire est le seul à en être exempté.
Il faut cependant souligner un léger progrès dans l’Accord de Paris (COP 21, 2015) suite auquel les États sont invités, sur base volontaire, à déclarer leurs émissions de GES liées aux activités militaires.Ainsi, la Belgique ne publie depuis lors que des données sur les émissions liées aux activités militaires mobiles. Pourtant, même ce rapportage parcellaire ne correspond pas aux émissions effectives tant les chiffres rapportés sont largement inférieurs aux quantités de GES réellement émises. En 2020 en effet, date du dernier rapport soumis à la CCNUCC, le chiffre officiel de la pollution liées aux activités militaires mobiles de la Belgique s’élevait à 105.372,39 tCO2e. Or, les données belges sont classées comme « médiocres » (« poor ») par le site web militaryemissions.org. Celui-ci souligne un écart important (« significant gap ») dans la déclaration des émissions militaires de la Belgique et la réalité. Ce qui signifie que l’empreinte carbone militaire réelle de la Belgique est susceptible d’être plus de cinq fois supérieure à ce qui est déclaré.
Le phénomène est identique pour la grande majorité des pays, et singulièrement pour les pays qui dépensent beaucoup en armement.
Or, l’absence de données officielles empêche une analyse sérieuse et pérenne de la pollution de l’activité militaire et la rend donc inexistante dans le débat public.
C’est pourquoi nous demandons aux partis, dans notre questionnaire-mémorandum, à quel point ils sont prêts à s’engager sur la transparence des émissions de gaz à effet de serre de l’activité militaire au niveau national. Nous leur demandons également si (et comment) ils entendent travailler, au niveau international, sur une réelle obligation de rapportage.
Q1. Votre parti soutient-il l’exemption de l’obligation de rapportage des émissions de GES dont bénéficie le secteur militaire ?
Pourquoi ?
Défi :
En toute concordance avec nos engagements internationaux et les accords de Paris dont la Belgique est signataire, ce rapport devrait être fourni avec les précisions nécessaires. De plus, il est important de distinguer ces émissions des émissions civiles pour obtenir des chiffres corrects.
MR :
Nous n’avons pas d’opposition à ce que la transparence soit faite sur ces enjeux. Mais nous comprenons pourquoi ces informations, d’intérêt hautement stratégiques, font l’objet de réticences dans les débats climatiques. Nous ne nous attendons pas à de réelles avancées en la matière ni n’en faisons une condition nécessaire pour agir concrètement. En soi, il est assez simple de décomposer les émissions militaires à partir de la consommation énergétique d’un pays et de l’activité industrielle nécessaires à ce secteur. À cela, on peut y ajouter les cimenteries ou les aciéries qui sont nécessaires pour les fournitures au-delà de l’opérationnel.
Selon nous, en matière climatique, il importe davantage de s’attaquer à ce que l’énergie utilisée soit décarbonée, le ciment et l’acier soient produits de manière non émissives et que le secteur militaire – de tout temps un grand pollueur- puisse avoir une réflexion d’économie circulaire des matériaux et sur les impacts environnementaux de ses activités.
ECOLO :
La documentation et le rapportage précis et exhaustif des émissions de GES du secteur militaire est, comme pour tous les secteurs, le premier pas vers la nécessaire réduction de ces émissions ainsi que la condition nécessaire à un débat démocratique éclairé sur la question. Une telle exemption ne saurait donc trouver de justification valable.
PS :
Par principe, le rapportage des émissions de GES devrait couvrir l’ensemble des activités humaines. Cela inclut donc les activités militaires. Celles-ci doivent intégrer pleinement les enjeux climatiques.
Sous cette législature, d’importantes décisions ont été prises en termes d’efficience énergétique et de prise en compte de l’impact des activités de la défense sur l’environnement ou des conséquences du dérèglement climatique sur notre société.
A travers sa nouvelle Stratégie climatique, la Défense compte travailler sur trois axes qui sont l’adaptation, l’atténuation et la résilience qui permettront de poursuivre deux objectifs principaux. Le premier est de permettre à la Défense de poursuivre ses opérations de manière efficace et sûre dans un environnement impacté par le changement climatique. Le second est l’évolution de manière réaliste de la Défense, conformément aux objectifs sociétaux en matière de climat. L’objectif 9 du plan d’entreprise pour la Défense 2023-2026 prévoit la mise au point d’une méthode de mesure des émissions de gaz à effet de serre et la rédaction d’un plan de mise en œuvre.
Le PS est en faveur d’un rapportage interne et externe annuel sur les progrès réalisés par la Défense dans la mise en œuvre de cette stratégie climatique, ce qui est par ailleurs déjà prévu.
En outre, dans le cadre de la chaine logistique et de la politique d’achats, il faut poursuivre l’objectif d’accroitre la résilience de la chaine d’approvisionnement et réduire les émissions de GES chez les fournisseurs de la Défense.
LES ENGAGÉS :
Un effort doit être réalisé dans la baisse des émissions polluantes. Cet effort vaut pour toutes les industries et services publics. Les objectifs et ambitions de notre mouvement quant à la réduction des gaz à effet de serre afin d’atteindre une neutralité carbone ne peuvent se concrétiser sans une plus grande transparence du secteur militaire. Cette transparence implique également un rapportage plus représentatif de la réalité des émissions de GES du secteur militaire.
PTB :
Le secteur militaire représente plus de 2% des émissions de gaz à effet de serre. Il n’y a aucune raison de les exempter du décompte des émissions de GES. Il faut non seulement comptabiliser ses émissions, mais aussi lutter pour réduire les dépenses militaires. Car moins de militarisme est bénéfique pour le climat.
Q2. Estimez-vous que la Belgique a le devoir de rapporter de manière précise et complète les émissions de GES de ses activités militaires ?
Si oui, votre parti s’engage-t-il à porter cette revendication dans le cas où il serait amené à participer à des négociations pour la formation d’un gouvernement ?
Défi : OUI
Il s’agit purement et simplement du respect de nos engagements internationaux. C’est également un préalable essentiel à une évolution vers la transition énergétique.
MR : NON
ECOLO : OUI
Nous défendrons cette revendication dans le cadre des prochaines négociations car il est crucial de pouvoir documenter les émissions de GES de nos activités afin de mettre en place des trajectoires de décarbonation. Il pourrait même être utile d’aller plus loin en documentant l’ensemble des impacts environnementaux du secteur militaire, en tenant compte des autres limites planétaires que celle liée au dérèglement climatique (biodiversité, cycle de l’azote, acidification des océans, etc.).
Notre groupe au Parlement fédéral a déjà déposé une résolution au sein de la commission de la Défense qui demande qu’elle se positionne en acteur de la lutte contre le dérèglement climatique en prenant de nouvelles mesures en matière de politique d’achat et de durabilisation interne (diminution de l’empreinte climatique), ainsi que des mesures aux niveaux national (adaptation pour répondre aux conséquences du dérèglement climatique sur la population en raison notamment des catastrophes naturelles) et international (prise en compte des effets du dérèglement climatique dans les opérations militaires à l’étranger).
PS : OUI
Un rapportage doit être organisé et est déjà prévu, dans le cadre d’une adaptation de la réglementation internationale en la matière et dans des balises garantissant la non-divulgation de nos secrets militaires à des puissances étrangères.
LES ENGAGÉS : OUI
Cette position touche tous les services publics et le pouvoir régalien.
PTB : OUI
Si non, pourquoi ?
MR :
Ces activités doivent se retrouver dans les catégories qui existent déjà et qui sont harmonisées au niveau mondial. Nous ne voyons pas pourquoi il faudrait créer une catégorie spécifique pour les activités militaires puisqu’elles ne se distinguent pas sur le gaz émis ou le mode d’émission (comme l’agriculture ou l’industrie qui ont des gaz et des processus différents).
En conséquence, elles peuvent être intégrées dans les autres catégories (mobilité, chauffage,
industrie notamment) : https://climat.be/en-belgique/climat-et-emissions/emissions-des-gaz-
a-effet-de-serre/emissions-par-secteur.
Q3. Votre parti estime-t-il que la Belgique doit revendiquer l’obligation de rapportage des émissions de GES liées aux activités militaires auprès de la CCNUCC ?
OUI NON OUI OUI OUI OUI
Pourquoi ?
DÉFI : OUI
Si l’invitation ne suffit pas, oui. Nous pourrons ensuite prendre des mesures (ou pas) pour une transition qui ne doit pas affecter l’efficacité de notre défense mais obtenir ces chiffres est essentiel.
MR : NON
Comme indiqué, nous n’y sommes pas opposés. Pour autant, nous ne voyons pas pourquoi porter haut et fort une mesure qui n’aura pour but que de crisper les principaux partenaires qui doivent agir contre le changement climatique (étant des gros pollueurs) et qui, une fois mise en oeuvre à grands renforts de persuasion, n’aura encore produit strictement aucune avancée en termes d’atténuation du changement climatique.
L’heure n’est plus à mettre des moyens pour mieux mesurer les émissions de GES. On sait qu’elles sont là, qu’elles augmentent et qu’il faut arriver à une neutralité (c’est-à-dire à O net) dans les 26 prochaines années.
ECOLO : OUI
Alors que le dérèglement climatique et les dégradations environnementales s’aggravent, nous pensons qu’aucun secteur ne doit être exclu de l’obligation de rapportage.
PS : OUI
Afin de diminuer les émissions globales de GES
LES ENGAGÉS : OUI
L‘obligation de rapportage aussi précise que possible de tous les secteurs dans tous les États est indispensable pour avoir une vue correcte de la situation des émissions de GES sur notre planète, sans que cela conduise à une stigmatisation de tel ou tel secteur, mais plutôt pour que chacun participe à l’effort tout en garantissant notre sécurité, qu’elle soit par exemple alimentaire ou militaire.
PTB : OUI
La lutte contre le changement climatique passe entre autres par un monitoring minutieux des émissions de gaz à effet de serre. Rapporter les émissions liées aux activités militaires à l’organisation internationale compétente est la moindre des choses.
Q4. Plus généralement, votre parti voit-il une contradiction théorique et politique entre les dépenses militaires et la nécessaire coopération internationale pour la lutte contre le dérèglement du climat ?
Pourquoi ?
DÉFI :
Bien sûr, nous plaidons pour une réduction de l’armement au niveau mondial. Mais, il faut être réaliste : la Belgique et l’Europe doivent rester crédibles en termes de capacité militaire et de défense, en vue de préserver les équilibres de paix sur son territoire.
MR :
Ce sont deux choses différentes. Et, d’une manière générale, s’armer contre les velléités du voisin n’a jamais empêché de se parler voire de collaborer avec ce voisin. Les dépenses militaires visent à assurer la sécurité extérieure des États, ce qui est l’une de leurs missions régaliennes. Cela n’empêche en aucun cas une coopération de ce même État avec ses pairs, notamment sur un défi aussi grave pour l’humanité qu’est le changement climatique.
ECOLO :
La contradiction est de plusieurs ordres. D’abord, les dépenses dans le secteur militaire contribuent directement au dérèglement climatique car il s’agit d’un secteur très polluant. Ensuite, ces dépenses procèdent de choix budgétaires qui risquent de reléguer au second plan les investissements nécessaires à la transition écologique. Enfin, l’augmentation des dépenses militaires risque de contribuer à l’entretien de tensions internationales avec certains partenaires, peu propices à la coopération en matière climatique.
PS :
Toutes les activités humaines sont potentiellement émettrices de gaz à effet de serre. L’enjeu climatique impose à l’humanité d’adapter l’ensemble de ses moyens de production et de ses modes de consommation, y compris sur le terrain militaire. L’augmentation actuelle de la concurrence militaire dans un contexte de tensions mondiales exacerbées ne doit pas faire oublier l’enjeu à long terme de l’habitabilité de notre planète. Il est important de positionner davantage la Défense comme un acteur éco-responsable, en plaçant les ambitieux objectifs de durabilité sociale et environnementale dans l’ensemble de ses politiques.
LES ENGAGÉS :
La coopération internationale peut intervenir entre des Etats assurant les dépenses nécessaires à leur sécurité. Les exemples sont nombreux. Les tensions internationales ne sont pas la conséquence du niveau des dépenses militaires. Au contraire ces dernières reflètent d’abord un manque de confiance entre les acteurs, généralement étatiques. C’est pourquoi les Engagés sont convaincus de la possibilité de concilier des dépenses militaires suffisantes pour assurer notre sécurité avec la coopération multilatérale et les investissements indispensables pour assurer la transition climatique. Ces deux priorités sont tout à fait conciliables.
De plus, les conflits armés sont encadrés par des traités et des conventions pour respecter la dignité humaine. L’impact environnemental nécessite aussi que les conflits armés soient encadrés.
PTB :
On ne peut dépenser un Euro qu’une seule fois. L’Union européenne a récemment mis sur pied des programmes de soutien à la recherche militaire et même à la production d’armement (ASAP). Les centaines de millions qui seront utilisés à produire des tanks et des obus ne seront pas consacrés à produire des panneaux solaires ou des éoliennes. La guerre et la militarisation nous éloignent de la lutte contre le changement climatique.