Durant les quelques jours qui ont précédé et amené la promulgation de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, la CNAPD rappelait déjà que d’autres méthodes, non-violentes, pouvaient et devaient être mises en œuvre afin de tout faire pour éviter un recours à la force, toujours synonyme de désastres humains et humanitaires. Dans le feu de l’actualité, le débat, encouragé par les médias, à malheureusement gravité autour d’une seule question apparemment simple : soit on soutient l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne, soit on ne fait rien.
La résolution 1973, mandatant « par tous les moyens », la « coalition des volontaires » à « protéger les civils » libyens, est aujourd’hui largement outrepassée. Les forces occidentales, marquant leurs options politiques, s’emploient clairement à soutenir les insurgés, au prix de « dommages collatéraux » meurtriers ; et d’une illégitimité grandissante. Celle-ci s’est davantage approfondie – de notre point de vue mais surtout du point de vue des populations arabes – dès lors que l’OTAN a officiellement pris le contrôle de l’opération ; nouvel exemple d’une relation privilégiée que l’Alliance entretient avec l’Organisation des Nations Unies, auprès de laquelle elle propose hypocritement ses services pour des missions de « maintien » de la « paix » soigneusement sélectionnées. La responsabilité de protéger n’est apparemment pas calculée partout sur base des mêmes critères.
En Belgique, la participation à l’effort de guerre a été unanimement soutenue par nos parlementaires . L’intensification progressive de cette participation était à prévoir. La question de savoir l’intérêt de la Belgique à prendre part à ces bombardements et la plus-value que cela apporte à la situation devra se poser avec une acuité certaine dès que possible. Pour l’heure et vu l’urgence de la situation, les députés doivent prendre acte de leurs erreurs et exiger un retrait des troupes et appareillages belges. En outre, la « protection des civils » tant soulignée s’opère dans d’autres champs d’action. Parmi ceux-ci doit figurer un accueil sans faille des réfugiés, premières victimes d’une situation que nous avons contribué à créer (qu’il s’agisse de la Tunisie, de la Libye ou de tout autre pays). A cet égard, la contradiction qu’entraîne la volonté affichée de plusieurs États-membres de l’Union européenne, dont la Belgique, d’un renforcement des contrôles aux frontières pour empêcher l’arrivée des réfugiés venus d’Afrique du Nord est parfaitement scandaleuse dans son principe même ; a fortiori de la part de pays qui se targuent de vouloir protéger les civils pour justifier une intervention armée. Plus qu’une quelconque solidarité entre pays membres de l’Union européenne, la question de l’accueil des réfugiés relève d’un principe humanitaire élémentaire.
La guerre en Libye s’enlise de plus en plus. Pour en sortir et éviter l’allongement de la liste déjà trop longue des dérapages, la solution est politique et l’a toujours été. Un cessez-le-feu doit être déclaré afin de donner aux belligérants la possibilité de s’expliquer (explications qui ne feront pas l’impasse de la question du départ du Colonel Kadhafi) autrement que par les mots inaudibles et assourdissants des bombes ; et des réponses sanglantes qu’ils suscitent. La CNAPD souligne à cette occasion les efforts de médiation opérés pour le moment. Il faut oser croire en la vertu pacificatrice du dialogue. Agir autrement reviendrait à rendre encore plus explicite le parti pris des interventionnistes et leur non-volonté de paix, si ce n’est au prix de la guerre ; la vraie, l’avouée. Ainsi en est-il de la position de l’OTAN qui, malgré son constat de l’absence de solution militaire en Libye, opèrent depuis 15 jours des bombardements massifs et meurtriers.
Les revendications démocratiques et sociales du peuple libyen contre la dictature doivent pouvoir se réinscrire dans le processus fondamental insufflé depuis la Tunisie vers tous les peuples d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient marquant le pas de l’injustice et de ses soubresauts postcoloniaux à l’agonie.
Pour la CNAPD Isabelle Grippa Présidente