Retour sur le Sommet des peuples qui s’est tenu en marge du sommet CELAC/Union européenne les 10 et 11 juin à Bruxelles. La contribution de Arlac, du CSO, du Forum Nord-Sud, d’Intal et de Projeunes, tous membres de la CNAPD, à une table ronde sur le thème « Paix et souveraineté » a mis le focus sur l’OTAN et les conflits socio-économiques et militaires autour des ressources naturelles.
Modéré par Luis Morlotte, représentant de l’Union des Ecrivains et Artistes de Cuba, l’atelier « Paix et souveraineté » comptait près de 80 participants venus des quatre coins d’Europe et d’Amérique Latine. Trois orateurs ont introduit les différentes thématiques.
La première présentation fut celle de Raf Custers du GRESEA (Groupe de Recherche pour une Stratégie Economique Alternative). Il a abordé la problématique du contrôle des ressources naturelles en plaçant comme toile de fond la résolution des Nations Unies de 1962 qui stipule les droits de peuples et nations sur leurs ressources et richesses. Il a introduit la perspective de l’extractivisme comme menace à la paix par la politique de la banque mondiale en Afrique. Raf Custers a mis en évidence la stratégie des puissances économiques qui pousse à l’affaiblissement de l’Etat et à la re-primarisation des économies du Sud. La domination par 3 ou 4 multinationales de la production d’une matière leur donnent le contrôle des prix au niveau mondial, un moyen coercitif par excellence pour faire pression sur les Etats. La présentation s’est conclue par le rappel du message de Salvador Allende à propos de l’industrie chilienne du cuivre, qui rappelait l’importance de nationaliser les industries du secteur des matières premières. Un message qui reste criant d’actualité.
Nous avons ensuite entendu le témoignage d’Ilda Figueredo du Conseil Portugais pour la Paix et la Coopération (CCPC), qui s’est focalisé sur l’OTAN et la menace que celle-ci représente pour la paix. Elle rappelle que l’OTAN, malgré la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991, n’a cessé d’accroitre ses capacités militaires et le nombre de pays membres jusqu’à devenir aujourd’hui « le gendarme du monde ». L’augmentation des installations de missiles dans plusieurs pays d’Europe de l’Est ainsi que la capacité nucléaire des pays membres de l’UE constitue une menace réelle de guerre nucléaire. Les interventions du plus grand contributeur de l’OTAN- les USA- se multiplient aussi en Amérique Latine via l’augmentation du nombre de bases militaires ou par la participation directe de l’Alliance aux grandes manœuvres maritimes dans l’Atlantique Sud. L’Union Européenne est liée plus que jamais à l’OTAN, qui reste son bras armé. La lutte contre l’OTAN est nécessaire, jusqu’à obtenir sa dissolution.
Enfin, Hernando Calvo Ospina, journaliste et écrivain colombien, a proposé un exposé des interventions militaires des États-Unis en Amérique Latine, toutes cadrées par la Doctrine Monroe de 1823 qui stipulait la primauté des intérêts de Washington sur l’entièreté du continent américain. Cette doctrine a justifié une série d’opérations de la part de Washington: le coup d’Etat contre Jacobo Arbenz au Guatemala en 1954, les attaques contre la révolution Cubaine, le coup d’Etat au Brésil et le coup d’état contre Salvador Allende, en sont autant d’exemples. Dans la même veine, nous avons pu observer plus récemment les tentatives de déstabilisation de la République Bolivarienne du Venezuela.
A la suite de ces trois introductions, les participants à l’atelier se sont regroupés en trois sous-groupes touchant à différentes problématiques liées à la paix. Chaque sous-groupe avait pour objectif la présentation de résolutions qui seraient partagées en plénière. Ces résolutions devaient également être intégrées à la résolution finale du Sommet des Peuples.
Le sous-groupe « les ingérences et les guerres de l’OTAN » était le plus important en terme de représentation. D’après les discussions, il est apparu impératif de constituer des réseaux internationaux destinés à mobiliser la société civile contre la désinformation des médias. La nécessité de créer des groupes de réflexion et d’analyse a également été pointée par les participants au sous-groupe. L’objectif étant d’informer les européens sur la réalité vécue en Amérique latine. Les plateformes mondiales contre les guerres et les réseaux contre la militarisation de forces policières partout dans le monde doivent être revitalisés. La nécessité du soutien aux organisations telles que la CELAC, ALBA et UNASUR via des réseaux citoyens en Europe est également soulignée, au même titre que la défense des peuples en Amérique latine par la création de plateformes de défense de la Révolution Bolivarienne dans le monde.
Le sous groupe « conflit armé en Colombie et dialogues de paix » a posé le constat de la crise humanitaire résultant du confit colombien comme l’une des plus graves au monde et ayant un impact direct et indirect sur toute la sous-région, principalement sur la paix et la souveraineté des pays voisins. La Belgique et l’ensemble des pays de l’UE doivent soutenir inconditionnellement le processus de paix entre le gouvernement colombien et les FARC-EP, qui se déroule actuellement à la Havane (Cuba). La Belgique et l’UE doivent également soutenir l’instauration d’un dialogue entre le gouvernement colombien et l’armée de libération nationale (ELN). Pour garantir le bon déroulement de ce processus, il est fondamental de persuader le gouvernement colombien de la nécessité d’accepter un cessez-le-feu bilatéral. Pour ce faire, la contribution de la société civile belge et européenne à la paix en Colombie est fondamentale. Elle doit passer par un travail d’information, de sensibilisation et d’action sur les deux objectifs précités. Les structures et les alliances régionales latino-américaines (UNASUR, CELAC) doivent également impérativement soutenir le processus de paix en Colombie.
La discussion sur « les menaces à la paix posées par l’extraction des matières premières » est traversée par le constat que les conflits liés à la convoitise des ressources peuvent être provoqués tant par des intérêts extérieurs à l’État concerné (e.g. une multinationale), que par des intérêts de l’État lui-même quand ceux-ci entrent en opposition avec ceux de certaines catégories de sa population. Ici, il s’agit d’une réalité qui touche principalement les communautés paysannes et indigènes et qui est la source principale des conflits sociaux. L’impunité des multinationales extractives est aussi évoquée (un cas emblématique étant la contamination dans l’Amazonie Equatorienne par le géant des hydrocarbures Chevron-Texaco). D’après les participants au sous-groupe, la démocratisation des politiques nationales sur les matières premières doit être sérieusement renforcée via des consultations publiques et transparentes afin de renverser les injustices et atténuer les conflits liés à l’extraction des ressources. L’opinion et la volonté des communautés locales doivent pouvoir émerger et être respectées, ainsi que l’application des conventions internationales qui leur garantit ce droit. Quant à l’impunité des multinationales, les droits des États doivent être renforcés face à ceux du secteur privé. Contre les abus liés à l’exploitation de ressources et l’impunité des multinationales, les organisations telles la CELAC, UNASUR et ALBA doivent, conformément à l’esprit progressiste de leur constitution, être clairs et sans équivoque dans leur soutien aux communautés affectées. Le cas de Chevron-Texaco en Equateur est proposé comme un bon point de départ pour tirer les enseignements du manque de soutien politique dont sont victimes les communautés indigènes et paysannes.