Parmi les associations membres de la CNAPD se cache Démocratie Plus. Plus de démocratie ? Pour qui ? Pour quoi ? C’est ce que nous avons essayé de savoir en interviewant José Sanchez, président de l’association depuis 15 ans.
Un mouvement français…
Dans les années quatre-vingt, le mouvement France Plus se crée. Leurs revendications ? Un accès plus facile à la citoyenneté pour les personnes étrangères et précarisées et donc l’accès à la nationalité française. Par la suite, le même mouvement se crée en Belgique sous le nom de Belgique Plus. Après plusieurs années, Belgique Plus devient Démocratie Plus au début des années 90.
La naturalisation comme point de départ.
L’objectif initial était d’aider les personnes d’origine étrangère à se naturaliser pour avoir des droits, comme le droit de vote et pouvoir influer sur leur région, sur leur commune, sur leur devenir… Le droit de vote pour tous, une revendication qui a déjà été l’objet de différentes campagnes (dont celle de la CNAPD en 2012 pour une citoyenneté européenne de résidence).
Cependant, ces naturalisations qui étaient à la base de l’existence de Démocratie Plus ont rapidement posé d’autres problèmes sociaux. Des problèmes qui ne pouvaient être traités par manque de temps et de personnel. C’est pourquoi, pendant plusieurs années l’ASBL ne s’est occupé QUE de naturalisation, sans pouvoir assurer un réel suivi ou une continuation dans son propre développement.
Démocratie plus reprend son envol.
En 1999, les choses vont mal. Finalement, après six mois de fermeture, l’ASBL rouvre. Petit à petit, elle reprend ses marques, se positionne par rapport aux autres associations, engage du personnel et recommence les naturalisations. Mais la fibre sociale de José et Khadija, sa collègue, se font remarquer et de nombreuses personnes commencent à leur parler des autres problèmes liés à leurs situations.
Démocratie Plus décide de se renseigner auprès de différents organismes : l’office des étrangers, certains ministères, etc. et, petit à petit, à force de sortir du cadre de la naturalisation, de changer les statuts et d’engager plus de monde. L’association s’agrandit, se diversifie et des projets sont créés comme le projet d’orientation professionnelle et scolaire (questionnaire de 160 questions) et de prévention aux assuétudes.
Renommée par ses régularisations.
En 15 ans, l’association a énormément avancé et a fait parler d’elle au point d’être reconnue dans tout le pays pour son travail de régularisation. En effet, tous les matins, c’est plus de 100 personnes qui viennent d’Anvers, de Gand, de Charleroi, de Mons ou même de Liège pour obtenir l’aide de Démocratie Plus. À force de faire des demandes de régularisation mais surtout d’en corriger un nombre inconsidérable, l’ASBL se pose aujourd’hui comme experte en la matière et peut parfois éviter pas mal de temps perdu et d’erreurs grossières aux demandeurs perdus dans la paperasserie.
Des avocats pas toujours réglos.
Qui plus est, il semblerait que certains avocats acceptent de s’occuper de régularisation bien qu’il ne s’agisse pas de leur domaine d’expertise. En effet, les avocats peuvent sans souci aucun travailler sur des sujets qui ne sont pas de leur ressort. Que se passerait-il si vous demandiez à un avocat expert en divorce de défendre votre conjoint accusé de meurtre ? Comment être sûr qu’il connait les ficelles du métier en la matière ? Beaucoup de dossiers n’avancent pas pour ces raisons-là : mauvaises connaissances des lois ou de l’historique du processus, mauvais documents dans le dossier. Mais ce n’est pas le pire, il existe même de faux avocats qui prétendent pouvoir faire des régularisations et, lorsque le dossier passe en jugement, vous laissent tomber, vous obligeant à trouver un vrai avocat qui accepte de vous défendre en moins de 30 jours.
Du bouche-à-oreille.
C’est là qu’intervient souvent l’équipe de Démocratie Plus, lorsque l’avocat n’a pas fait correctement son travail ou lorsqu’il a essuyé un refus et a prié son client de s’en remettre à la décision prise à son sujet. Ce client, désespéré, s’adresse alors à Démocratie Plus qui, parfois, arrive a trouver le petit détail qui manquait ou l’erreur infime qu’il suffisait de corriger afin de voir une décision positive poindre le bout de son nez, voire, parfois, un refus se transformer en régularisation en bonne et due forme. Infiniment reconnaissant, ces Belges n’ont alors évidement de cesse de parler de Démocratie Plus et de chanter leurs louanges. Résultat ? José reçoit parfois des appels du Costa Rica, de Moldavie ou d’Albanie pour des conseils en matière de régularisation ! Qui l’eut cru ?!
Grâce à cela, l’ASBL, bien que petite, n’a jamais autant été reconnue. Même les politiciens les appellent pour savoir s’ils peuvent s’occuper de l’un ou l’autre cas !
La régularisation mais pas que…
Démocratie Plus s’investit aussi dans d’autres domaines. Outre leur partenariat avec Objectif, ASBL de naturalisation, une employée donne des cours de droit juridique dans l’ASBL flamande BON et Démocratie Plus travaille aussi sur l’orientation professionnelle et scolaire. Ils se rendent généralement dans une école avec un questionnaire de 160 questions sans lien direct avec le monde du travail mais grâce auquel ils définissent le profil des jeunes et les métiers qui leur correspondent le plus. Ils leur remettent ensuite des documents informatifs sur le type d’études qu’ils pourraient faire et les bourses qu’ils peuvent demander. Un moyen de casser le stéréotype trop souvent lié aux études qui se voudraient trop longues et trop chères pour eux.
Quid des élections 2014 ?
Idéalement, Démocratie Plus voudrait enfin voir pour ces élections une vraie campagne de régularisation, la campagne de 2000 n’ayant malheureusement pas abouti. Une réforme de la loi ne serait pas du luxe non plus. Car si son flou artistique fait peut-être rêver les peintres, ce n’en est pas moins le cauchemar de tous les demandeurs de régularisation qui subissent au quotidien les décisions arbitraires en la matière.
« Pas de régularisation sauf circonstances exceptionnelles ».
Mais quelles circonstances sont exceptionnelles et quelles circonstances ne le sont pas ? Certaines personnes étant dans une situation parfaitement similaire se retrouvent parfois régularisé pour l’un et expulsé pour l’autre. Des personnes qui habitent depuis plus de 10 ans en Belgique, parlent les différentes langues du pays, ont un travail et un enfant né sur le territoire, se voient parfois refuser leur demande de régularisation ! Des cas aberrants, voire révoltants, il y en a à la pelle ! Heureusement, il arrive aussi que certaines décisions soient révoquées grâce à un papier ou un coup de téléphone expliquant un peu mieux la situation mais dans les cas contraires, quelles armes ont ces étrangers qui leur permettent de se battre pour leur droit à la citoyenneté ?
Pourquoi association-membre de la CNAPD ?
C’est parce que Démocratie Plus, qui se voit comme une toute petite association, s’intéresse à ce qui se passe dans les autres associations qu’elle a noué des liens avec la CNAPD. Ce regroupement d’associations leur semble aussi nécessaire que bénéfique pour, bien sûr, être au courant de ce qui se passe ailleurs mais aussi revendiquer des choses qu’une petite ASBL ne peut revendiquer seule par faute de moyens et, dans le cas de Démocratie Plus, d’orientation. En outre, Démocratie Plus se positionne résolument comme une ASBL « de terrain », ce qui ne lui donne que très peu l’occasion de faire des revendications fortes et de les diffuser comme il le faudrait. En cela, le partenariat avec la CNAPD et ses revendications est et restera un incontestable avantage.
Une équipe polyvalente.
Partie de presque rien, ils sont maintenant 6-7 dans l’équipe de Démocratie Plus. Certains membres sont parfois plus spécialisés en l’une ou l’autre chose (visa, logements sociaux, régularisation) mais dans l’ensemble, tout le monde est formé pour être polyvalent. Bien que plus nombreux, ils ne se reposent pas pour autant sur leurs acquis et cherchent à continuer à se développer, petit à petit. Demande de subsides, relance des publications… De nombreux projets sont prévus et viendront, en leur temps s’ajouter au travail de régularisation de cette petite ASBL dont le travail est loin d’être négligeable.
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