Le 26 mai, Rabab Khairy, collaboratrice du CNCD chargée des questions du Monde Arabe, était invitée à la CNAPD pour un tour d’horizon sur la situation actuelle dans la région.
Pour introduire le sujet, l’intervenante a brièvement présenté le bilan de l’action menée actuellement par le CNCD sur le développement et la promotion de la démocratie en Afrique du nord. Elle a souligné que jusqu’aux récentes révolutions dans la région, les bilans fait par le CNCD révélaient que l’Union Européenne ne s’était jamais investie dans la promotion du développement et de la démocratie à travers l’appui à la société civile. Il s’agissait seulement de politique de bon voisinage via des accords bilatéraux consacrés, pour la plupart, à la lutte contre l’immigration et contre le terrorisme.
Un constat
Les régimes dictatoriaux étaient de parfaits partenaires de l’Europe : un partenariat où ces régimes tiraient profit de l’aide au développement octroyée par l’Europe. De même, la lutte contre le terrorisme était à l’agenda du partenariat entre l’Europe et ces gouvernements. Résultat : il ne fallait surtout pas bousculer ses partenaires, aussi anti-démocratiques qu’ils puissent être. En fait, l’Europe était d’avis que les mouvements d’opposition à ces régimes étaient essentiellement composés d’ intégristes dangereux pour sa sécurité et celle du monde. Le bilan de l’aide à la coopération au développement est donc plutôt perturbant…
En effet, la grande partie des enveloppes financières de l’UE accordées aux pays arabes s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros, dont trois quart sont consacrées à la lutte contre l’immigration ! A côté de cela, on constate une région complètement sclérosée avec un indice de développement déplorable.
Pourtant, le FMI a toujours distribué de bons points à ces pays en les félicitant du placement de leur richesse dans les mains d’entreprises étrangères, les bénéfices allant à une classe fermée de mafieux nationaux et aux acteurs des milieux des affaires occidentales. L’impasse devenait de plus en plus grande et les choses ne faisaient qu’empirer. C’est pourquoi plusieurs observateurs estiment que la situation actuelle était prévisible.
Avant les révoltes du printemps arabes, il y a eu des émeutes de la faim, de grandes grèves en Egypte et au Maroc… Le taux de chômage des jeunes était (et reste) énormément élevé. De plus, ceux qui essayaient de quitter le pays se heurtaient à une forteresse nommée Europe.
La surprise des événements de ce printemps 2011 a été que elle est partie de la population sans qu’il y n’y ait aucune initiative politique derrière. C’est la société civile qui a réussi à encadrer le mouvement. C’est cela le plus grand point positif des révolutions actuelles. Une autre évidence est le peu de maîtrise de l’occident su la situation actuelle. Toutefois, la forme de ces révolutions autogérées constitue leur faiblesse.
Tout reste à construire
En Egypte par exemple, le pays est aujourd’hui dirigé par le Conseil supérieur militaire. Dans la rue, personne ne sait exactement qui sera au commandes du pays dans les jours qui viennent. Selon l’intervenante, les échos qui viennent de la région sont plutôt négatifs à cause du chaos qui y règne aujourd’hui.
L’Egypte et la Tunisie sont considérées comme des modèles qui ont pu débloquer les choses en arrivant à chasser les dictateurs. Toutefois, il n’y a aucune garantie quant à la future stabilité des systèmes qui seront mis en place, surtout avec une société civile encore fragile.
En effet, on déplore le manque de forces et surtout d’expérience de la société civile dans ces pays qui devraient susciter et canaliser les initiatives de base.
La situation en Syrie ?
Pour l’instant, il y a un statut quo par rapport à l’engagement des USA et de l’UE. Il faut dire que la Syrie n’a jamais été un bon élève de l’occident… Toutefois, l’occident a toujours essayé de préserver de bonnes relations avec ce pays qui reste quand-même un acteur incontournable dans la région. Une chose est sûre, personne ne veut la chute du président Bachar Al-Assad car cela ouvrirait une voie à l’inconnu : une situation qui serait dangereuse pour Israël.
Un « deux poids deux mesures » de la part de l’occident, lorsque l’on considère ce qui se passe en Libye ?
L’explication est que l’occident est intervenu militairement en Libye pour se racheter une virginité par rapport à ses citoyens et, de toute façon, Kadhafi est considéré comme un proscrit !
Crainte de l’islamisme politique ?
Absolument pas. En effet, Rabab Khairy estime que le mouvement populaire est né spontanément et sans revendication islamique : les frères musulmans ont donc compris qu’ils n’arriveraient pas à s’immiscer dans ce dernier.
En définitive, ce que l’on peut retenir de la situation actuelle dans le monde arabe est que la population a montré au monde entier qu’elle peut prendre en main son propre destin.