Crime parmi les crimes, le génocide comporte pour l’ensemble des États une obligation absolue de tout faire pour l’empêcher et de ne pas en être complice.
Dès le début de l’entreprise israélienne d’éradication de la bande de Gaza et de sa population, le lourd passif de la Belgique en matière d’exportation et de transit d’armes appelait donc à la plus grande vigilance. Bien qu’il soit en principe interdit d’exporter des armes à destination des Forces armées israéliennes depuis 2009, l’impossibilité de vérifier l’utilisateur final de nos exportations a permis de les poursuivre avec un État d’Israël reconnu coupable de longue date de violations massives des droits humains. Depuis 2021, la Wallonie est ainsi devenue la première exportatrice de poudre à canon vers Israël. Le complexe militaro-industriel israélien est par ailleurs bien implanté en Belgique, et la compagnie israélienne de transport de fret militaire Challenges Airlines a établi toute sa logistique à l’aéroport de Bierset, en Province de Liège.
Aujourd’hui, force est malheureusement de constater que notre pays et nos gouvernements ont faillis à leurs obligations. Ainsi, tant la Flandre que la Wallonie ont octroyé des licences d’exportation de matériel militaire à Israël après le 7 octobre 2023. Encore en janvier 2024, la Wallonie expédiait un chargement de 16 tonnes de poudre à canon au fleuron de l’industrie militaire israélienne, Elbit System. Parallèlement, des dizaines de tonnes de matériel militaire ont transité par les territoires wallon et belge jusqu’en juin 2024. Ceci est dans une large mesure dû au fait que la Wallonie n’exige pas de licence pour le matériel qui transit sans être transbordé d’un moyen de transport vers un autre.
Plutôt que de réagir promptement lorsque ces informations ont été rendues publiques, nos dirigeants se sont livrés à un indécent spectacle consistant à se renvoyer la balle entre ministres et niveaux de pouvoir, dans un mélange de négligence et d’hypocrisie. Pendant que se jouait cette mauvaise pièce, le génocide se poursuivait implacablement à Gaza, le niveau de dévastation et le nombre affolant de victimes repoussant chaque jour les frontières de l’horreur absolue.
Depuis le mois de mai, il n’y a, jusqu’à preuve du contraire, plus eu de transit en Belgique de matériel militaire vers Israël. La mobilisation des organisations de la société civile, dont la LDH et la CNAPD, et de nombreux citoyens, a notamment conduit le précédent Ministre-Président, Elio Di Rupo, à prendre le 27 mai un arrêté pour rendre obligatoires les licences pour le transit militaire sans transbordement (en signalant que cette licence allait systématiquement être refusée). Mais cette victoire est précaire. Ainsi, un recours a été déposé au Conseil d’État pour annuler l’arrêté, et refaire du sol wallon une plaque tournante pour les marchands de morts qui alimentent la machine de guerre israélienne.
Plus largement, c’est la volonté du gouvernement wallon de considérer les droits humains comme un obstacle à l’économie wallonne qu’il convient de dénoncer. La Déclaration de politique de la majorité MR-Engagés prévoit en effet de réviser le décret du 21 juin 2012 relatif à l’importation, à l’exportation, au transit et au transfert d’armes et de produits liés à la défense dans le sens d’une levée des critères de respects des droits humains.
Plutôt que de tourner le dos à nos obligations internationales et à notre propre législation, il convient au contraire de renforcer l’efficacité du décret. Voilà en effet des années que l’esprit du décret est piétiné puisqu’on continue aux quatre coins du globe à bafouer les droits humains à l’aide d’armes made in Wallonia.
Le gouvernement wallon doit également adopter un cadre législatif solide interdisant tout transit d’armes ou de matériel militaire vers tout pays coupables de violations massives des droits humains, le régime raciste et génocidaire israélien au premier chef!
Il n’est pas trop tard pour que la majorité MR-Engagés prenne conscience du recul moral dans lequel il engage collectivement les Wallons et les Wallonnes.
Continuons donc à nous mobiliser pour que les droits humains ne soient pas considérés comme un frein à notre prospérité, mais comme une boussole qui devrait guider l’ensemble de nos politiques!
Grégory Mauzé
Co-président